L’annonce d’un décès nous fait chaque fois ressentir davantage la précarité de l’existence. Parfois, cependant, cette annonce nous ramène plus encore vers nous-mêmes, tout simplement, parce que la personne disparue a compté dans notre vie mais également dans la vie de beaucoup de personnes.
Mais il se trouve que certains ont marqué si fortement les mémoires qu’on n’a pas besoin de les avoir connus, fréquentés, appréciés, pour être pris par l’incommensurable chagrin qui s’empare de chacun de nous à l’occasion du décès d’une personne proche.
Il y a des noms qui relèvent de la légende parce que ceux qui les ont portés ont concouru dans leur domaine à produire, à procurer un peu de bonheur pour un grand nombre de leurs concitoyens, et parfois même pour le plus grand nombre. C’est le cas de Hacène Lalmas.
Être un footballeur de talent au point qu’on en devient quasiment un mythe est le lot des plus grands, sinon l’un des plus grands de l’histoire du sport algérien.
Dans les années qui suivirent l’indépendance, les algériens étaient de plus en plus nombreux à fréquenter les stades et à jouir passionnément des plaisirs que procurait notre football renaissant. La présence de Lalmas à elle seule était la garantie d’un spectacle pour les yeux et d’un ravissement pour les sens.
Certes, pour l’équipe qui affrontait l’OMR où il s’épanouit et plus tard le CRB, le club de son accomplissement, sa présence en face n’était pas une partie de plaisir car il était le Dieu du stade et le stade n’avait d’yeux que pour lui.
Mais un joueur ne joue pas pour sa propre équipe seulement. Il joue pour tous les spectateurs présents sur les gradins, et plus encore, pour tous les téléspectateurs puisque la télévision pénétrait subrepticement les foyers algériens.
Hacène était devenu comme un membre de la famille pour nombre de foyers. J’ai connu et apprécié Hacène. Il m’a toujours inspiré du respect.
Jeune membre de l’équipe nationale universitaire aux côtés de Koussim, de Kassoul, de Séridi, de Fadlaoui, de Bousseloub… sous la houlette de feu Boumezrag… entraineur de l’équipe du FLN, il m’est arrivé de jouer en ouverture de l’équipe nationale et de le croiser.
Je l’ai vu un jour, contre l’URSS – fraîchement demi-finaliste de la Coupe du Monde – marquer un but d’anthologie à Lev Yachine « l’araignée noire » : le meilleur gardien de tous les temps.
Plus tard, j’ai apprécié son œuvre auprès des jeunes lorsqu’il s’obstinait aux côtés de Kalem et de Achour à essaimer les vertus du sport dans les quartiers difficiles.
Au sortir d’octobre 88, il m’a soutenu quand il fallait démocratiser le sport et desserrer l’étreinte étouffante et tutélaire de l’administration sur les clubs, les ligues et les fédérations…
Hacène Lalmas était un footballeur de génie, un animateur de cœur et un homme de légende. C’était une personnalité magnétique qui donnait du rêve aux gens simples et un styliste hors pair qui ensorcelait le stade municipal actuellement le « 20 août » et enflammait les arènes.
Sollicité par de grands clubs, son destin ne l’y porta pas. Il n’en ressenti aucune amertume, car sa valeur, il la portait en lui-même…
C’est toute l’Algérie à l’unisson qui l’accompagnait et l’admirait quand il accomplissait ses exploits de footballeur de génie. C’est à toute l’Algérie que Lalmas prodiguait du bonheur. Comment pourrions nous oublier un tel talent, nous autres qui sommes d’un âge qui nous avait permis voici si longtemps d’admirer sa précision, ses démarrages, ses feintes, ses dribbles, ses déviations, son contrepied déroutant et son inégalable jeu de tête.
Nous ne pouvons oublier. Et c’est le propre des gens de l’envergure d’un Lalmas de garder leur place parmi nous, dans l’indéfectible souvenir du passé qui nous habite avec éclat, dans les profondeurs de notre mémoire.
Merci Hacène pour ces inoubliables grands moments de bonheur !
Tu sais Hacène, tu nous manques déjà.
Une contribution de Monsieur *Cherif Rahmani ;
Ambassadeur des Désert et des Terres arides (Convention des Nations Unies pour la Lutte Contre la Désertification) ;
Président de la Fondation des Déserts du Monde ;
Membre de l’organisation internationale « Leaders pour la Paix » ;
Ancien ministre.