Une femme d’origine algérienne vient d’être nommée à la tête de la diplomatie belge. Hadja Lahbib est depuis vendredi 15 juillet ministre des Affaires étrangères, des Affaires européennes et du Commerce extérieur dans le gouvernement d’Alexandre Decroo.
Elle a prêté serment devant le roi, comme le veulent la constitution et les usages politiques belges.
Si la nouvelle fait tant parler, c’est à cause du parcours atypique de la nouvelle ministre, ancienne présentatrice de journal télévisé sans aucun vécu dans la politique, et surtout issue d’une famille d’origine immigrée.
Ses parents sont venus de Kabylie, en Algérie, en 1947. La suite ressemble au vécu des Maghrébins venus en Europe pendant cette période et après. Père exerçant l’ingrat travail de mineur, conditions sociales difficiles, déchirement culturel…
Née en 1970 dans la ville de Boussu, Hadja se rebellera contre le poids du conservatisme familial et décidera de voler de ses propres ailes. Études de journalisme, belle carrière à la télévision francophone RTBF dont elle a été présentatrice du journal télévisé pendant 20 ans, chargée du projet de « Bruxelles capitale de la culture européenne 2030 » et enfin la consécration suprême avec sa nomination comme ministre des Affaires étrangères. Elle-même ne s’y attendait pas
« J’ai été surprise et conquise par cette proposition disruptive, audacieuse et pleine de défis », a-t-elle réagi. « Il aurait été plus facile pour moi de rester journaliste, de l’autre côté de la barrière (…), mais on m’a promis que je pourrais rester moi-même », a-t-elle déclaré en conférence de presse après sa nomination.
« J’aurai l’honneur d’être le visage de la Belgique à l’étranger », dit-elle, tout en mettant en garde qu’elle ne renoncera pas à sa liberté. Elle se dit « ni de gauche, ni de droite ». « Je suis fondamentalement libre », ajoute-t-elle, assurant qu’elle reste le « capitaine de son âme« . Une intransigeance pour sa liberté qui lui a valu d’affronter sa famille dès l’adolescence, à tout juste 18 ans.
Une fierté pour la communauté immigrée
« À cet âge, j’étais révoltée contre mon milieu mais aujourd’hui je suis réconciliée avec mes parents ainsi qu’avec mon frère (…) Je me suis faite toute seule mais aussi et certainement grâce aux espaces de liberté que m’ont laissés mes parents, ce qui a donné, faut-il le dire, cinq enfants très différents et complémentaires à la fois », racontait-elle dans une interview à un site belge l’année dernière.
La nomination d’une fille d’immigrés algériens comme ministre des Affaires étrangères avait plus de raisons mais moins de chances de survenir en France où la communauté algérienne est très forte en nombre et les exemples de succès sont nombreux tant en sport, en musique ou dans d’autres domaines.
Mais c’est en Belgique qu’elle a eu lieu au moment où le discours stigmatisant les Algériens et les Maghrébins ne cesse de monter en France. Le petit royaume a su asseoir le vivre ensemble, d’abord entre ses communautés autochtones, puis avec celles venues d’ailleurs et qui sont d’un apport indéniable pour le pays.
Pour la communauté maghrébine de Belgique et de toute l’Europe, particulièrement la diaspora algérienne, la nomination de Hadja Lahbib au plus haut poste de la diplomatie d’un pays membre de l’Europe, est une reconnaissance de son apport, une grande fierté et une promesse d’un avenir meilleur.
Une nomination qui devrait permettre aussi de raffermir les liens entre la Belgique et l’Algérie et inciter cette dernière à investir plus dans sa diaspora qui vient de démontrer à travers Hadja Lahbib qu’elle peut accéder aux centres de décision en Europe.