Depuis ce mardi 26 juin, Abdelghani Hamel n’est plus le directeur général de la Sûreté nationale. Quelques heures seulement après ses déclarations sur l’affaire de la cocaïne saisie à Oran fin mai dernier, celui qui a dirigé la police pendant huit ans a été brutalement remplacé par le président de la République.
On ne sait quelle partie M. Hamel visait par ses déclarations fracassantes faites à la clinique des Glycines, à Alger, par un personnage qui a rendu d’énormes services au pouvoir en place au point d’être cité par les supputations de la presse et des observateurs comme un potentiel présidentiable.
Abdelghani Hamel, un autre fidèle à Bouteflika, est issu des rangs de la Gendarmerie nationale où il a fait une carrière de 37 ans. Il a notamment dirigé les sixième et deuxième commandements régionaux (extrême sud et ouest) de ce corps de sécurité et commandé les Groupements des gardes-frontières (GGF) et la Garde Républicaine.
En juillet 2010, alors chef de la Garde républicaine, il fut promu au grade de général-major et admis à la retraite. Quelques jours plus tard, il est nommé directeur général de la police, un poste resté vacant depuis l’assassinat du colonel Ali Tounsi en février de la même année dans son bureau.
Le poste est d’une extrême sensibilité, puisque son titulaire a sous sa coupe un effectif de 200 000 hommes bien équipés.
Ce corps a en charge la sécurisation de tous les centres urbains du pays, où vivent près de 80% de la population, contrôle les mouvements d’entrée et de sortie sur et du territoire national à travers la PAF (police de l’air et des frontières) et dispose d’un redoutable service de renseignement, les fameux RG dont les rapports pèsent lourd notamment dans les enquêtes d’habilitation qui précèdent toute nomination à un poste supérieur dans l’administration.
C’est ce qui explique sans doute tout le temps pris par les hautes autorités pour trouver (ou se mettre d’accord ?) sur un successeur au défunt Tounsi qui a dirigé l’institution pendant près de 15 ans.
Le choix s’est donc porté sur un autre haut gradé de l’armée, au niveau d’instruction respectable (ingénieur en informatique et magistère en études stratégiques et relations internationales) et aux états de service mêlant les épreuves du terrain et l’expérience du commandement.
Quand il a pris ses rênes, le plus dur était passé pour la police qui était aux avant-postes de la lutte anti-terroriste pendant les années 1990, aux prix d’un lourd tribut en vies humaines. Mais de nouvelles missions attendaient l’institution, dont la lutte contre la petite et grande criminalité et la gestion des mouvements de contestation sociale qui vont se faire de plus en plus nombreux.
La première décision du général-major au sein de la police, dit-on, c’était de mettre à la retraite de nombreux cadres pour choisir ses proches collaborateurs parmi les gradés ayant un niveau universitaire.
Commencera alors une longue réforme visant d’abord à redorer l’image d’une institution qui venait de vivre un incroyable scénario avec l’assassinat de son premier responsable dans son bureau et par un cadre supérieur de la police, sur fond d’une scabreuse affaire de corruption et de pots-de-vin.
Les réformes de Hamel porteront d’abord sur la réhabilitation du métier de gardien de la paix et de la police de proximité. Il s’attèlera ensuite à assurer une meilleure couverture du territoire, le renforcement des effectifs et la révision des critères de recrutement.
Une gestion efficiente puis une succession d’erreurs fatales
L’homme fait forte impression et prendra du galon dès la fin de l’année 2010 qui a vu de nombreux pays de la région s’embraser par les révolutions du printemps arabe.
C’est Hamel, sur injonction ou de sa propre initiative, qui a en effet introduit le concept de « la gestion démocratique des foules » qui consiste à désarmer les policiers en charge d’empêcher les manifestations publiques, tout en multipliant leur nombre.
Lors des émeutes du « sucre et de l’huile » de janvier 2011, la police avait presque laissé faire les jeunes émeutiers qui s’en prenaient à des édifices publics, mais les dégâts humais s’étaient limités à 3 morts alors que toutes les villes du pays s’étaient embrasées.
Ce concept, qui procède certes de la répression des mouvements populaires, a sans doute évité un bain de sang dont on ne peut présumer des conséquences.
L’utilisation de la même méthode lors des événements de Ghardaïa vaudra au général-major de vivre sa première grande épreuve en tant que chef de la police.
C’était en 2014, lorsque des milliers de policiers sont entrés dans une sorte de mutinerie pour exprimer leur lassitude et réclamer la prise en charge du conflit fratricide par les autorités politiques.
Le mouvement allait faire tâche d’huile pour atteindre les grandes villes du pays comme la capitale où les policiers en colère sont allés jusqu’à tenter de forcer les grilles du portail du siège de la présidence de la République, réclamant de meilleures conditions de travail et, surtout, le départ du général Hamel.
Là aussi, ce dernier, a su comment éteindre le feu en évitant de prendre des mesures extrêmes à l’encontre des contestataires. L’homme sortira de cette épreuve plus renforcé que jamais. La confiance que lui accordait le chef de l’Etat était incontestable et son aura ira crescendo.
Jusqu’à l’éclatement de cette affaire des 701 kilogrammes de cocaïne saisis au port d’Oran par une unité des forces navales le 29 mai dernier. L’enquête est confiée à la Gendarmerie et Hamel n’avait donc aucune raison de s’en mêler, du moins publiquement.
Mais une fuite, sciemment provoquée ou pas, a révélé en fin de semaine passée, l’implication présumée de son chauffeur personnel dans cette affaire de trafic international de drogues dures.
En réaction, la DGSN a précisé dans un communiqué que la personne incriminée était un simple employé de son parc automobile, et non le chauffeur personnel de Hamel, dénonçant « une pure affabulation et une information mensongère (…) œuvre d’individus qui ont des objectifs précis pour semer la zizanie au lieu de laisser la justice faire son travail conformément à la loi ».
L’allusion n’est pas faite aux journalistes qui ont rapporté l’information, mais aux parties qui seraient derrière les fuites et qui ne pourraient être que l’autre corps de sécurité qui a fait l’enquête préliminaire ou la justice qui mène l’instruction.
Quatre jours plus tard, c’est Hamel lui même qui monte au créneau pour parler « dépassements dans l’enquête sécuritaire ». Dans la même déclaration, M. Hamel a lancé : « pour lutter contre la corruption il faut être propre » et que ses services détenaient des dossiers sur la même affaire qu’ils allaient remettre à la justice. De telles insinuations et menaces à ce niveau de responsabilité ont forcément des conséquences. Hamel rejoint la longue liste des personnes écartées alors qu’elles étaient considérées comme fidèles à Bouteflika.