Mieux vaut tard que jamais. Une année après, le gouvernement décrète des augmentations de salaires qu’il a refusées, entre autres revendications, aux médecins résidents qui avaient défrayé la chronique par un long mouvement de protestation en 2018.
Curieusement, c’est au moment où la corporation semble avoir mis ses demandes en veilleuse que l’Etat prend l’initiative de les satisfaire. Un médecin spécialiste en poste au Sud gagnera désormais deux fois et demi le salaire de son collègue installé dans les grandes villes prisées du Nord.
C’est le ministre de l’Intérieur qui a été chargé d’annoncer la bonne nouvelle, au nom du Premier ministre, aux médecins qui ont accepté de s’installer dans le Sud du pays et par ricochet, aux habitants de ces régions.
Car la décision est censée entrer dans le cadre des efforts de l’Etat pour assurer une couverture sanitaire pour toutes les zones éloignées et déshéritées, qui ne manquent pas seulement de médecins et de personnel médical, mais de beaucoup d’autres commodités et infrastructures, à commencer par les équipements et structures de santé.
Ce qui appelle une interrogation : en décidant de son propre chef une augmentation de salaire qui parait conséquente, le gouvernement a-t-il réellement saisi le problème tel qu’il avait été posé lors de la longue grève des médecins résidents ? On en doute fort quand on se rappelle que ces derniers avaient expliqué dans leurs différentes plateformes que le service civil qui leur était imposé était une pure perte de temps.
Aux réponses démagogiques de la tutelle, qui fustigeait alors l’ingratitude de médecins formés avec l’argent du peuple et qui refusent de sacrifier deux années de leur carrière pour soigner ce même peuple, les protestataires avaient avancé un argument simple, mais très solide : dans un désert médical, en termes d’infrastructures, d’équipements et d’encadrement, l’étudiant ne peut ni continuer à apprendre ni être utile aux populations. Que peut faire en effet un futur cardiologue où oncologue avec son seul stéthoscope ?
On se rappelle aussi que la question des salaires était marginale dans les revendications des grévistes. Mais la tendance étant depuis quelques mois aux effets d’annonce et à la fausse générosité, c’est sur cet aspect que le gouvernement a décidé d’agir en premier.
L’annonce est plus destinée aux populations du Sud et des Hauts-Plateaux, qui se font entendre de plus en plus, qu’aux concernés. Les autorités elles-mêmes ne sont pas sans savoir que pour retenir un médecin et tout autre cadre, au Sud et même dans les villes du Nord, il n’est pas évident de s’aligner sur ce qu’ils peuvent gagner sous d’autres cieux.
Même multiplié par deux fois et demi, le salaire du médecin sera toujours une broutille par rapport à ce qu’offrent les hôpitaux d’Europe ou du Golfe. Or, c’est à ce niveau que se situe la saignée qui vide les structures algériennes de santé. Plus clairement, si un médecin souhaite partir, ce ne sont pas 180 000 DA/mois qui lui front changer d’avis.
Cela, si l’on admet qu’il s’agit d’une véritable augmentation et non de la poudre aux yeux. Car certains internautes, des médecins sans doute, ont vite signalé une ambiguïté qui risque de tout changer : le ministre n’a pas précisé si c’est le salaire de base ou le salaire perçu qui sera multiplié et si la prime de zone que perçoivent déjà les médecins spécialistes au Sud sera maintenue ou non.
Au-delà de ce que gagneront les médecins, qui ne sont jamais assez payés au vu de leur cursus et des services qu’ils rendent à la société, le problème tel qu’il est posé par la corporation risque de demeurer entier.
Le gouvernement a certes décidé de débloquer des projets d’infrastructures dans seize wilayas, dont certaines du Sud, pour vingt milliards de dinars, mais là aussi, il s’agit d’une broutille quand on sait que la somme ne suffira pas pour la construction d’un seul CHU.
Ce sont surtout les habitants du Sud et des Hauts-Plateaux qui risquent d’être floués par cette générosité subite aux relents de campagne…