Hadj-Tahar Boulenouar, président de l’Association nationale des commerçants et artisans algériens (ANCA), répond à nos questions sur la hausse soudaine des prix du poulet et la tension sur l’huile de table.
Avez-vous une explication à propos de la tension observée sur l’huile de table ?
Ce qu’il faut savoir c’est qu’il n’y a pas de pénurie de l’huile de table. Tant au niveau des fabricants que dans le réseau de stockage, l’huile est disponible.
Et même que la matière première est disponible chez les producteurs privés. Ce qu’il y a, c’est que certains opérateurs n’ont pas voulu la distribuer ou la vendre, surtout après la décision d’imposer la facturation.
C’est l’obligation de facturation qui a fait que les commerçants et les distributeurs se disent « avec la facturation, on augmente le prix pour garder la marge bénéficiaire. Comme l’État a plafonné le prix de l’huile (600 DA le bidon d’huile de soja de 5L, ndlr), alors nous n’en achèterons et nous n’en vendrons pas ».
Les stocks en huile de table dans les usines et les entrepôts sont en trop-plein et (les quantités) suffisent pour le mois de Ramadan et même après !
Ceux qui vendent encore l’huile de table sont obligés d’en augmenter les prix. Producteurs et grossistes se rejettent la responsabilité concernant la hausse des prix.
On est dans une situation identique à celle des distributeurs de lait qui avaient réclamé le relèvement de leur marge de bénéfice sur le sachet de lait. Beaucoup d’entre eux ont refusé de distribuer le lait parce qu’ils n’y trouvent pas leur compte.
La situation va encore durer ainsi ?
Il faut dire une chose : dans notre pays, il y a une espèce de monopole sur l’huile de table. Or, comment se fait-il qu’un pays comme le Maroc qui a presque les mêmes caractéristiques que le nôtre en nombre d’habitants, la Tunisie ou d’autres pays qui ont 15 et 20 millions d’habitants, ont 15 ou 20 producteurs d’huile.
L’Algérie avec plus de 40 millions d’habitants, nous n’en avons que 3 ou 4 producteurs ! Il est connu qu’un produit surtout s’il est de large consommation, quand il est produit par 3 ou 4 opérateurs, il y aura forcément un problème.
Mais avec la multiplication des producteurs, les aléas qui peuvent survenir n’auront pas d’impact sur la disponibilité. Moins on a d’opérateurs, plus il y a de chances qu’il y ait de la spéculation.
La première solution consiste à casser ce monopole sur tous les produits, et pas seulement l’huile de table. Les prix de la banane avaient atteint des pics à un moment donné parce qu’une poignée d’opérateurs en importaient.
Une fois que l’importation a été libérée à tous ceux qui ont les capacités financières d’en emporter, les prix se sont stabilisés.
L’autre solution consiste à régler la question des subventions et le plafonnement des prix. Il faut changer la politique de la subvention, elle doit concerner le consommateur et non pas le produit, autrement le même problème persistera.
Une fois le pain, l’autre c’est le lait, et ainsi de suite. La subvention doit aller directement aux ménages démunis sous une forme ou une autre.
| Lire aussi : Hausse des prix des produits alimentaires : l’Apoce pointe des abus
Une hausse soudaine des prix du poulet a été enregistrée ces derniers jours, jusqu’à 420 DA le kilo. Comment expliquez-vous ?
En fait, la moyenne nationale du prix du poulet est de 350 DA/kilo. À Alger, la moyenne des prix est de 410 DA/kg et dans d’autres wilayas le prix est de 290 DA.
Cela s’explique : à moins d’un mois du Ramadan, la majorité des éleveurs réduisent leur production et se préparent pour le mois de carême durant lequel la demande sur la viande augmente de 100% notamment le poulet.
Actuellement, la majorité des éleveurs ne vendent plus, mais élèvent les petits poussins en prévision du Ramadan. À Médéa connue pour le nombre important d’éleveurs de poulets, un éleveur m’a avoué hier (mardi) qu’il n’avait plus vendu de poulet aux détaillants depuis une dizaine de jours.
Il m’a expliqué qu’il prépare la période de carême et qu’à une semaine du début, il commencerait à faire sortir sa production, les poussins auront entre-temps pris du volume.
Est-ce que les prix des produits de forte consommation connaîtront une diminution à la veille du Ramadan surtout que vous dites que la production est suffisante ?
À l’exception de la première semaine du mois de Ramadan, où il y a un renchérissement des prix en raison de la ruée sur les différents produits, à partir de la deuxième semaine les prix commenceront à baisser.
Les acteurs des différentes filières agricoles se préparent en prévision du Ramadan, par conséquent il n’y aura pas de pénurie sur les produits alimentaires, que ce soit les viandes, les fruits & légumes, les céréales, ou les dérivés des pâtes…
À l’ANCA, nous sommes en contact avec les offices interprofessionnels (lait, fruits et légumes, céréales) et tous nous ont assuré qu’ils sont en train de renforcer leurs stocks.
Dans quelques jours, les services relevant de l’agriculture commenceront à ouvrir des points de vente des viandes…
Lire aussi : Sécheresse, dinar, production : pourquoi les prix augmentent en Algérie