Il y a 3 ans, le 22 février 2019, les Algériens sortaient dans la rue après plus de deux décennies de léthargie et de divorce avec la politique. Dans la capitale et dans les grandes et petites villes, ils étaient des dizaines de milliers à marcher pacifiquement pour rejeter le projet fou du président Abdelaziz Bouteflika de rester à la tête du pays après l’avoir dirigé pendant 20 ans.
La contestation avait débuté timidement quelques jours plus tôt à Bordj Bou Arreridj et Kherrata. Le 22 février, c’est toute l’Algérie qui s’est soulevée, portant d’abord le rejet du cinquième mandat, puis partout la même revendication d’une démocratisation véritable du pays.
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C’est ce mot d’ordre et la détermination que montreront les Algériens, pendant plus de deux ans, pour le concrétiser qui fait du 22 février une halte historique, en tout cas l’un des événements les plus marquants de la vie nationale après l’indépendance.
Quoi que l’on dise aujourd’hui de son issue et de ses acquis, le mouvement a émerveillé le monde entier, d’abord par son pacifisme. Sur ce point, les manifestants et le pouvoir ont tenu leur engagement de ne pas faire couler une seule goutte de sang.
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Le Hirak a démontré que la lutte et la revendication pacifiques sont possibles dans un pays où, trois décennies plus tôt, une entreprise de changement avait débouché sur un bain de sang effroyable.
La fin des manifestations est survenue par leur empêchement par la force publique, au prix de centaines d’arrestations et d’incarcérations qui se poursuivent du reste toujours, mais l’affrontement sanglant n’a pas eu lieu. Une autre preuve de la maturité du mouvement.
Le Hirak a été un moment d’espoir retrouvé, de communion et d’harmonie nationale autour d’un même objectif. Dans les premiers mois du mouvement, les harragas ont cessé leurs traversées dangereuses et les revendications sociales sectorielles mises en veille.
Qui a gagné, qui a perdu ?
Pour le pouvoir, le Hirak, le vrai, le « bon », celui qu’il a gravé dans la constitution, a pris fin avec le départ de Bouteflika le 2 avril 2019. L’emprisonnement des symboles du régime, les procès anti-corruption, la révision de la constitution, l’élection présidentielle et tous les scrutins organisés ces deux dernières années sont présentés par le discours officiel comme autant d’acquis du Hirak populaire « béni ».
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Pour une partie du mouvement, celle qui a continué à marcher pendant deux ans et qui n’a jamais perdu de vue la revendication de changement radical du système politique, tout ce que le pouvoir a accompli n’est que coups de force successifs pour faire passer sa feuille de route unilatérale et ne rien céder sur le fond.
Cette partie n’a jamais renoncé, même après la fin des marches hebdomadaires du vendredi et du mardi. La preuve : des activistes sont toujours arrêtés et présentés devant les tribunaux.
Selon des partis politiques, des ONG de défense des droits de l’Homme et des avocats, il y aurait plus de 300 détenus d’opinion dans les prisons algériennes, au moment où, pour les officiels, il n’y en a aucun.
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Des journalistes, des hommes politiques, des internautes et des activistes sont passés par la case prison. Pour les autorités, ils l’ont été pour des faits répréhensibles prévus par le code pénal, revu et adapté plusieurs fois ces deux dernières années.
Trois ans après le déclenchement du Hirak, deux Algérie aux antipodes l’une de l’autre, sont présentées selon la partie qui s’exprime. Qui a gagné, qui a perdu ? Seule certitude, l’obstination d’une partie a eu raison de l’entêtement de l’autre.
Car si le Hirak a émerveillé par ses vertus indéniables, il a aussi péché par le refus de ses animateurs de s’organiser et de saisir les offres de dialogue, nombreuses notamment dans les premiers mois du mouvement, en tout cas par une certaine radicalisation qui a fini par montrer ses limites. Il reste que l’Algérie a gagné une date pour l’Histoire et un repère pour les générations, l’actuelle et celles à venir.