« On ne veut pas une deuxième République, on veut une République tout court ! » Ce vendredi 31 mai et pour la quinzième semaine consécutive, les Algériens sont sortis par milliers pour réclamer le départ du régime en place.
A Alger, après une matinée marquée par des interpellations selon plusieurs témoignages recueillis sur place, les artères principales du centre-ville puis la Place des Martyrs ont été inondées par la foule juste après la prière hebdomadaire.
Lors de cette nouvelle journée de mobilisation, les hommages à Kamel Eddine Fekhar, décédé ce mardi des suites d’une grève de la faim entamée au lendemain de son arrestation, le 31 mars se sont multipliés. Des portraits du militant des droits de l’Homme, un slogan, « Ya lil al3ar doula katlet Fekhar » (« l’État a tué Fekhar, quelle honte »), et une minute de silence observée à 15 heures. « En 2019, on est encore assassiné pour ses idées, déplore une Algéroise. Il a laissé une veuve et trois enfants alors qu’il n’a fait de mal à personne… » ; « C’est comme une partie de nous qui s’en est allée », confie un autre.
Rejet de la dictature militaire
Tout au long de l’après-midi, sous un soleil de plomb, les citoyens scandent leur refus de négocier avec les « gangs » (« Makach moufawadate m3a 3issabates ») et rejettent la gouvernance du pays par l’armée (« Doula madaniya machi askariya », « Echaab la yourid hokm al 3askar »).
L’application immédiate des articles 7 (« Le peuple est la source de tout pouvoir. La souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple ») et 8 (« Le pouvoir constituant appartient au peuple ») de la Constitution est réclamée sur de nombreuses pancartes. « La solution existe, ce sont eux qui n’en veulent pas », tient à rappeler Tahar, venu de la wilaya de Béjaïa. Abdelkader Bensalah et Nourredine Bédoui sont, eux, toujours appelés à prendre la porte.
L’appel au dialogue formulé le 28 mai par le chef de l’état-major Ahmed Gaïd Salah n’obtient pas plus d’adhésion de la part des manifestants. « Je pense que c’est un pas tactique comme il nous a habitué à le faire depuis le début. Lui souhaite organiser une élection présidentielle dans les plus brefs délais, analyse Arezki, la soixantaine. Il souffle le chaud et le froid parce qu’il voit que la rue continue. Mais je pense qu’il est dans une espèce de bulle. Il est encore persuadé qu’il peut dicter ses volontés ». « Dialoguer, c’est une bonne idée mais pas avec eux », s’amuse une autre.
Amel, croisée rue Didouche-Mourad, estime elle, que « tout appel venant de l’armée est nul et non avenu ». « C’est déjà arrivé dans d’autres pays et on ferait mieux d’apprendre de nos voisins. Il ferme la porte à la transition alors de quoi pourrait-on dialoguer ? ».
La transition, un processus réclamé sans relâche par le peuple semaine après semaine, en vain. « C’est non négociable, insiste Rachida, sourire aux lèvres. Sinon pourquoi on trime depuis quinze semaines ? ». « Le peuple a demandé une transition, un départ des visages qui sont en poste renchérit Sidali, drapeau algérien sur les épaules. Ils doivent partir, ils vont partir. Aujourd’hui ou demain. Autrement, je ne rentrerai pas chez moi ».