Le Maroc devrait libérer tous les manifestants pacifiques emprisonnés et abolir les dispositions du code pénal qui permettent au gouvernement d’emprisonner les personnes pour avoir exprimé leurs opinions, estime Human Rights Watch à l’occasion de la publication de son rapport annuel diffusé ce 18 janvier.
Les manifestations dans la région du Rif au Maroc, les manifestations de rue les plus soutenues que le pays ait connues depuis les soulèvements arabes de 2011, ont montré les limites de la tolérance du Maroc pour la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui en publiant son Rapport mondial 2018. Le Maroc devrait libérer tous les manifestants pacifiques emprisonnés et abolir les dispositions du code pénal qui permettent au gouvernement d’emprisonner les personnes pour avoir exprimé leurs opinions.
Les manifestations ont commencé dans la région troublée du Rif dans le nord du pays en octobre 2016. Les autorités ont toléré les manifestations pendant plusieurs mois, mais en mai 2017 elles ont violemment appréhendé les dirigeants des manifestants et ont interdit un important rassemblement annoncé pour juillet. Depuis lors, le gouvernement a emprisonné des journalistes et d’autres personnes pour avoir participé, ou apporté leur soutien, à des manifestations « illégales ».
Les autorités ont souvent toléré les manifestations devant le parlement à Rabat et ailleurs, mais presque jamais au Sahara occidental sous contrôle marocain, où la police est intervenue en force pour empêcher tout rassemblement jugé favorable à l’autodétermination pour ce territoire contesté.
« Il existe des espaces pour exprimer la dissidence au Maroc, mais quand il s’agit de manifestations soutenues et massives, la police et le système judiciaire ont tendance à mettre fin aux manifestations et à neutraliser les activistes rapidement », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Si le Maroc veut se démarquer de la tendance régionale à la limitation des droits humains, il doit libérer tous les manifestants du Rif détenus ou condamnés pour des rassemblements ou des discours non-violents. »
Dans cette 28e édition annuelle de son Rapport mondial (version intégrale en anglais 643 pages – version abrégée en français 180 pages – PDF), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Dans son introduction au Rapport, le directeur exécutif Kenneth Roth observe que certains dirigeants politiques, prêts à défendre les principes des droits humains, ont démontré qu’il est possible de limiter l’impact des programmes populistes autoritaires. Lorsqu’ils ont pu s’appuyer sur une opinion publique mobilisée et des acteurs multilatéraux efficaces, ces dirigeants ont démontré que la montée des gouvernements hostiles aux droits humains n’a rien d’inéluctable.
Alors que le Code de la presse et des publications de 2016 a supprimé les peines d’emprisonnement pour délits d’expression, nombreuses sont celles qui demeurent dans le code pénal, notamment pour franchissement des « lignes rouges » du Maroc, c’est-à-dire qui « causent un préjudice » à l’islam, à la monarchie, à la personne du roi et à la famille royale, et pour « incitation à l’encontre de l’intégrité territoriale » du Maroc. En juillet, Hamid Mahdaoui, journaliste, a été condamné à un an de prison pour avoir « incité » à participer à une manifestation « non autorisée » dans le Rif. D’autres personnes sont allées en prison pour avoir publié leur soutien à de telles manifestations sur les réseaux sociaux.
Les tribunaux marocains acceptent régulièrement comme preuves des aveux qui auraient été extorqués à la suite d’abus physiques ou qui ont été falsifiés d’une manière ou d’une autre, sans mener d’enquête approfondie et crédible afin de savoir s’ils ont été obtenus de façon irrégulière.
Dans le procès le plus surveillé de l’année, un tribunal civil a rejugé et condamné à nouveau un groupe de 24 hommes sahraouis, dont certains défenseurs des droits humains, de complicité dans des affrontements meurtriers qui ont eu lieu au Sahara occidental en 2010. Le tribunal a condamné ces hommes à des peines allant de 20 années de prison à la perpétuité, sur la base de preuves insuffisantes et contestées, notamment des aveux sur lesquels ils sont revenus devant le tribunal.
Le Maroc devrait garantir des procès équitables à toutes les personnes qui soutiennent que leurs aveux ont été obtenus sous la contrainte.
Sur certaines autres questions, le Maroc a pris des mesures positives. Il a continué à reconnaître de facto le statut de réfugié ou de demandeur d’asile des étrangers au Maroc, une fois que l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés leur a conféré ce statut. Il a également accordé des permis de résidence d’un an renouvelables aux Syriens et à des milliers de migrants économiques subsahariens.
Le Maroc devrait agir sur les projets de lois en cours pour l’octroi de l’asile et pour la réduction de la violence domestique. Il devrait également développer de solides mécanismes de mise en œuvre en prévision de l’entrée en vigueur en 2018 d’une loi de 2016 protégeant les travailleurs domestiques.
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