L’Algérie connait une énième crise de l’huile de table. Ce produit de première nécessité est de nouveau introuvable sur les étals, bien que la production nationale soit suffisante pour couvrir les besoins du marché. Les autorités accusent de nouveau la spéculation tandis que sur les marchés mondiaux de soja, c’est la flambée.
Les prix de l’huile de soja, la plus consommée en Algérie, sont soutenus par l’État. Le prix du bidon de 5 litres est plafonné à 600 DA, et si le prix de revient dépasse ce seuil, le producteur se fait rembourser le manque à gagner.
| Lire aussi : À la recherche de l’huile de table dans les magasins d’Alger
La facture est de plus en plus élevée pour l’État. Selon le ministre du Commerce, les compensations pour les producteurs d’huile se sont élevées à plus de 287 millions de dollars (40 milliards de dinars). Grâce à ce soutien, les prix de ce produit en Algérie ont été 40 à 50 % moins élevés en 2021 par rapport au niveau des prix dans le monde.
Mais la facture pour l’État reste salée. Le montant élevé des compensations s’explique par la flambée de la matière première, les graines de soja, sur les marchés internationaux. En plus des pénuries de ce produit, l’Algérie fait face à une crise liée à la flambée du soja sur le marché mondial.
Le prix de la tonne est en ce début janvier à 1360 dollars, contre 685 dollars en octobre. La facture de compensation devrait être encore plus élevée pendant l’exercice en cours si la tendance se maintient. La hausse touche toutes les matières premières agricoles, d’où, pour l’Algérie, une hausse également de la facture des importations alimentaires.
| Lire aussi : Les Algériens doivent-ils changer leurs habitudes alimentaires ?
L’une des causes de la flambée des produits agricoles sur le marché mondial, c’est l’augmentation des biocarburants dans le mix énergétique dans plusieurs pays. Ces biocarburants sont essentiellement tirés du soja aux États-Unis et au Brésil, du colza en Europe et de l’huile de palme en Indonésie.
Dans ce dernier pays et en Malaisie, l’année a été marquée par une production décevante d’huiles de palme à cause de la pandémie de covid-19 qui a induit un manque de main d’œuvre, d’habitude fournie par des pays asiatiques comme le Bangladesh et le Pakistan.
À cela s’ajoute une forte demande inhabituelle de la Chine due, semble-t-il, à l’épuisement de ses stocks de soja qu’elle utilise d’habitude pour éviter la flambée des prix en interne.
Il y a aussi les aléas du climat. La faible pluviométrie dans certains pays producteurs a tiré les prix vers le haut. Pour l’année 2022, le climat dans les principaux pays producteurs sera déterminant (États-Unis, Brésil, Argentine, Paraguay). Le phénomène climatique la Niña qui sévit en ce moment en Amérique du Sud favorise les récoltes dans le nord du Brésil (humide) mais il fait que l’Argentine, le Paraguay et le sud du Brésil connaissent une période plus sèche, donc moins favorable aux récoltes.
L’Algérie doit se mettre à la production locale
Les prévisions pour la première moitié de l’année sont donc pessimistes et la tendance haussière des prix devrait se maintenir. Mais les spécialistes s’attendent globalement à de meilleures conditions pendant l’année dans ces pays, et, sauf catastrophe, il y aura de meilleures récoltes et une accalmie des prix est attendue pour la seconde moitié de l’année.
Néanmoins, l’époque du soja bon marché semble révolue à cause de la part grandissante des biocarburants dans le mix énergétique mondial. Les biocarburants extraits de matières premières agricoles, notamment les oléagineux, sont moins polluants que le diesel et les grands pays industrialisés devraient de plus en plus en utiliser, d’autant plus que les États-Unis, sous l’impulsion du président Joe Biden, ont rejoint les accords de Paris sur le climat.
Sauf catastrophe climatique dans ces pays, on devrait pouvoir avoir des prix d’huiles végétales plus bas dans la 2e moitié de 2022, mais les perspectives restent difficiles pour la 1re moitié
Les pays européens et les États-Unis augmentent leurs consommations de biocarburants, donc d’huiles qui sont utilisées en remplacement du diesel, car ils ont des objectifs ambitieux de réduction de gaz à effet de serre (accord de Paris, que les États Unis de Biden ont rejoint début 2021)
Comme message important, le prix de l’huile en Algérie est 40-50 % plus bas que le marché mondial, et ce durant tout l’an 2021.
Plutôt que d’espérer une baisse des prix sur les marchés mondiaux qui risque de ne pas survenir, l’Algérie devra se mettre à la trituration et la production des graines localement.
Le lancement du projet du groupe Cevital pourrait être le début de l’essor de la filière. Le groupe économique privé avait présenté ces dernières années un ambitieux projet comprenant une usine de trituration et, à terme, un programme de production de soja en Algérie devant créer 100 000 emplois dans l’agriculture, couvrir les besoins du pays en huiles et en tourteaux (aliment de bétail) et dégager d’énormes quantités à l’export. Le projet n’avait pas pu voir le jour à temps à cause d’entraves bureaucratiques.
Un autre projet de trituration des graines oléagineuses a été lancé par le groupe KouGC à Jijel qui a été repris par l’État après la condamnation des frères Kouninef à de lourdes peines, dans des affaires de corruption. Cette usine appartenait à ces derniers. La nouvelle société dénommée Kotama Agrifood a été rattachée au groupe public Madar.
Le retard dans le lancement de trituration des graines oléagineuses et de culture de soja expose l’Algérie aux fluctuations du marché mondial de ce produit destiné à la production de l’huile de table.