La commission d’enquête parlementaire sur la pénurie de l’huile de table a rendu publiques ses conclusions ce mardi 15 février, à l’occasion d’une conférence de presse animée par son président Smail Kouadria.
Dans leur travail, les élus de l’APN ont cherché à faire « la lumière sur les causes de cette crise, ses instigateurs et les parties qui l’alimentent ». Ainsi du cas de l’huile de table qui a connu une très forte pénurie, au point que sa vente est devenue problématique pour les commerçants tant la demande est très forte et l’affluence d’autant.
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Dans leur synthèse, les membres de la commission parlementaire ont tancé les responsables qui ont, selon eux, résumé la crise à la seule question de la spéculation.
« Des informations tendancieuses sur les réseaux sociaux ont impacté le mode de consommation (des ménages) et ont accentué la crise. D’autre part, il y a un manque d’information vérifiée et de communication », a cinglé M. Kouadria qui a déploré « le silence des autorités concernées qui se contentent d’avancer des justificatifs et des déclarations sans fondement en résumant les causes de la crise à la spéculation ».
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Le député ajoute que ce sont « les petits commerçants et les citoyens qui sont rendus responsables » d’une telle situation alors que « la règle économique voudrait que l’abondance de l’offre empêche la spéculation ».
Au cours de ses investigations, la commission parlementaire s’est rendue dans des usines de production de l’huile de table, ainsi que chez les grossistes, les commerçants détaillants et les distributeurs agréés de ce produit. Elle s’est rendue aussi dans les wilayas suivantes : Oran, Oum El Bouaghi, Sétif, Béjaia, Adrar, et Bordj-Badji Mokhtar.
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La commission parlementaire en est ressortie avec quelques constats notamment le fait que les mesures de compensation promises aux producteurs n’ont pas été honorées.
Il s’agit du versement de la différence entre le prix de production et le prix de vente subventionné. Une situation, a expliqué Smail Kouadria, qui a poussé les producteurs à faire le choix de ne pas augmenter leur production. Le président de la commission cite le cas d’un producteur d’Ain M’lila dans la wilaya d’Oum El Bouaghi qui n’aurait pas touché les indemnisations promises depuis janvier 2021.
Les responsabilités des services du Commerce
L’enquête parlementaire s’est penchée sur les quantités d’huile de table produites par les usines. Après vérification, la commission a constaté que la production totale de six unités de production s’élève “à 4 430 tonnes par jour, soit l’équivalent de 4 millions de litres (3,9 millions) d’huile de table. Ceci représente 10,3 millions de litres par mois en prenant en compte 26 journées travaillées”.
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« Cette production couvre les besoins du citoyen algérien en abondance », a expliqué Smaïl Kouadria. S’agissant de la marge bénéficiaire des distributeurs qui est de 15 DA sur la bouteille de 5 litres, elle demeure insuffisante du point de vue de ces distributeurs, a poursuivi le président de la commission. « C’est une marge qui n’est pas incitative », a concédé M. Kouadria.
Abordant l’aspect relatif à la facturation, comme un moyen de traçabilité, M. Kouadria affirme que la TAP (taxe sur l’activité professionnelle) représentant 2% du chiffre d’affaires équivaut à la marge de bénéfice des distributeurs, des commerçants de gros et de détail. « Ce qui a poussé certains détaillants à ne pas s’approvisionner en huile de table ».
La commission d’enquête a pointé la responsabilité des producteurs « qui ont participé à créer la pénurie en mettant l’huile de table à la disposition de ses distributeurs agréés par leurs soins ». « Quant aux grossistes et les détaillants, ils s’approvisionnent en huile de table dans des laps de temps de plus en plus éloignés et de façon irrégulière », constate la commission.
Le défaut de contrôle des services de commerce a également été relevé par les membres de la commission parlementaire. « Ils fournissent des statistiques en décalage avec la réalité, au point d’être dépassés par la crise de l’huile de table. Conséquence : ils prennent des décisions à l’improviste dont celle interdisant la vente de l’huile de table aux moins de 18 ans », a critiqué M. Kouadria. Des décisions qui se sont accompagnées aussi par des « déclarations non étudiées », relate le président de la commission d’enquête parlementaire.
La responsabilité de certains producteurs et leur manque de transparence a été également relevée par la commission. Comme cet industriel pris en flagrant délit de mensonge. Alors qu’il a prétendu que l’ensemble de sa production journalière est écoulé sur le marché, la commission a découvert en date du 11 janvier que des quantités dormaient encore dans les entrepôts de l’usine et dont la date de fabrication remonte au 31 décembre dernier.
La commission parlementaire a émis des recommandations à propos du système des subventions. « Le maintien de la subvention indirecte a grandement contribué à la hausse du taux de l’inflation. De même qu’elle n’a pas profité aux familles éligibles », a déploré le chef de la mission, Smail Kouadria.