Hakim Alileche est un agriculteur heureux. Vingt ans après avoir décidé d’investir dans l’oléiculture à Djelfa, son l’huile extra-vierge Dahbia a déjà gagné plusieurs prix à l’étranger et son oliveraie compte 15.000 oliviers.

Tout a commencé lors d’une visite touristique à Djelfa avec une bande d’amis. Subjugué par la beauté de la région et tombé carrément sous son charme, Hakim Alileche a tout de suite décidé de se lancer dans une production d’huile d’olive.

« Ça n’a pas été facile »

TSA l’a rencontré dans son oliveraie. « J’ai eu un coup de cœur pour la région où j’étais venue une fois avec des amis. Arrivé ici, je découvre qu’il y a de la vie, de l’eau, les espaces. Je me suis mis tout de suite à chercher des terres et j’ai atterri ici dans cette exploitation », raconte-t-il.

Son choix de lancer un projet de plantation d’oliviers tient à l’attachement particulier envers cet arbre depuis son enfance. « Chez les Algériens, l’olivier est un arbre sacré. Ils ont un attachement particulier à cet arbre. Personnellement j’aime l’olivier depuis ma tendre enfance. Je me suis dit pourquoi pas ? », poursuit-il.

À Djelfa, Hakim Alileche fait figure de pionnier dans l’oléiculture. L’olivier étant un arbre méditerranéen, et le climat aride de Djelfa ne favorise le développement de l’oléiculture. Du moins, c’était l’idée répandue. En plus, cette région agropastorale n’est pas connu pour les oliveraies à perte de vue, une spécialité plutôt des régions du nord du pays, comme la Kabylie, Jijel ou Guelma.  

« L’huile d’olive est produite dans une trentaine de wilayas, pas uniquement dans les villes côtières. L’olivier a besoin d’eau et de soleil pour s’épanouir. La terre rocheuse et calcaire  de Djelfa  ainsi que son climat sont parfaits pour produire une huile d’olive de qualité », explique Hakim Alileche.  « On peut dire qu’on est des pionniers », dit-il aujourd’hui.

Pourtant, d’aucuns n’ont donné cher à payer pour la réussite de ce projet. « Alors que des gens nous disaient que le projet n’allait pas réussir, nous y avons cru et la preuve est là : il y a des oliviers de 15-16 ans qui totalisent jusqu’à 120 kilos de fruits », lance avec fierté Hakim Alileche.

15 000 oliviers dont plus de 60% en production 

L’aboutissement tient surtout à la persévérance de Hakim Alileche qui prend soin de ses oliviers. « Au début, nous avons bénéficié de quelques subventions du Programme du développement agricole (PNDA, Ndlr) et le ministère de l’Agriculture nous a assistés au départ mais les aides ont été gelées pendant un moment. Nous avons poursuivi et nous ne nous sommes pas arrêtés pour attendre les subventions », précise-t-il.

L’oliveraie a progressivement gagné en superficie même si le défi était grand. Hakim Alileche admet aujourd’hui que la mission n’a pas été de tout repos. « Ça n’a pas été facile. Il est question d’une plantation progressive sur 15 années –les tout jeunes oliviers ont 3 ans- à raison bon an mal an de 2 000 à 4 000 oliviers plantés chaque année », détaille-t-il.

Peu importe les efforts à consentir si au bout le résultat peut dépasser les espérances. « Aujourd’hui nous avons 15 000 oliviers dont plus de 60% en production », se félicite Hakim Alileche.

Comme dans toute l’Algérie, l’espèce dominante dans l’oliveraie de Hakim Alileche c’est le Chemlal. « Il faut préciser que l’Algérie dispose de plusieurs variétés d’oliviers. D’après mes informations, on a recensé 35 variétés », explique-t-il.

Pour produire son huile Dahbia, le nom qu’il lui a donné en hommage à sa grand-mère paternelle, sa mère ainsi que son épouse, Hakim Alileche a installé sa propre huilerie qui est mitoyenne de l’oliveraie. L’huile d’olive qui y est produite est primée plusieurs fois à l’international.

« Sans prétention aucune, j’estime que nous avons l’une des meilleures huiles d’olive en regard des récompenses que nous avons obtenues surtout à l’échelle internationale. La toute dernière que nous avons obtenue a eu lieu au Japon pour notre culture biologique», se félicite M. Alileche.

Cette culture “bio” se matérialise par l’élimination des produits chimiques. « Comme vous le voyez, nous n’utilisons ni engrais ni pesticides. Nous n’utilisons pas non plus de produits désherbants pour enlever les mauvaises herbes. Tout se fait mécaniquement », explique l’agriculteur même si cette méthode devait engendrer des charges supplémentaires.  

Pour lui, la qualité passe avant la quantité. « Nous préférons laisser faire la Nature toute seule, tranquillement, sans recours aux engrais. Lorsqu’on voit des oliviers chargés de fruits sans intervention chimique, pourquoi irions-nous perturber la nature ? L’homme n’a qu’à profiter de cette nature et ne pas utiliser des produits chimiques », insiste l’agriculteur pour résumer sa philosophie dans l’oléiculture.

 « Nous préférons rester dans l’organique et le biologique. D’ailleurs au Japon, notre huile a été primée comme produit biologique », ajoute Alileche.

La proximité du champ d’oliviers de l’huilerie présente un avantage comparable. C’est même le facteur déterminant dans la qualité de l’huile d’olive estampillée Dahbia. « La cueillette commence le matin et prend fin à 14h. Entre la cueillette et le moment de la trituration, il y a à peine 10 minutes », souligne Hakim Alileche.

Les secrets d’une huile d’olive de qualité

Selon lui, une bonne huile d’olive exige le respect de certaines règles comme le temps de stockage des olives et leur transport avant la trituration. Dans son cas, ils ont été réduits « à presque zéro ».

Résultat, une huile extra vierge et de haute qualité. « Le taux d’acidité dans notre huile est 8 fois moindre que la norme autorisée. L’indice de peroxyde est 7 fois moins que la norme autorisée. C’est de l’ultra pur », s’enorgueille Hakim Alileche.

D’après lui, il n’y a pas de juste-milieu : « une huile d’olive est soit bonne ou mauvaise ». Autre élément à prendre en compte : le stade de maturation des olives.

« Nous récoltons l’olive mi-verte mi-violette  et nous procédons à sa trituration à ce stade-là de précocité pour tirer le meilleur bénéfice de toutes les propriétés biologiques de l’olive. On perd sur la quantité mais on gagne beaucoup sur la qualité. Notre vision c’est de faire profiter le consommateur des bienfaits de l’huile d’olive », argumente Hakim Alileche.

Choisir une bonne huile d’Olive : les conseils de Alileche

Enchaînant, il prodigue quelques conseils pour choisir une bonne huile d’olive. « On doit éviter les huiles rances qui ont une odeur et qui sont mal stockées. En fait, l’huile d’olive à trois ennemis : la chaleur, la lumière et l’oxygène qui altère et réduit substantiellement ses bienfaits », développe l’agriculteur.

Alileche se lance comme objectif de faire « profiter d’abord le consommateur algérien» de cette huile d’olive avant de percer les marchés mondiaux. Pour cela, l’huile d’olive produite à Djelfa ne manque pas d’atouts. 

« Notre produit n’a rien à envier à l’huile d’olive produite en Grèce, Italie ou en Espagne », assure fièrement Hakim Alileche. Malgré le succès qui est le sien, l’agriculteur aurait souhaité « un peu plus d’attention par rapport à ses investissements ».

Il déplore « les lourdeurs bureaucratiques » qui se dressent sur son chemin et freinent son élan ainsi que le développement de son entreprise.

« Quand on vous exige une tonne de papiers ça fragilise moralement », regrette cet investisseur qui souhaite voir les autorités encourager d’autres jeunes pour se lancer dans ce type d’investissements.

L’été passé, l’Algérie a enregistré plusieurs feux de forêts qui ont ravagé des centaines d’hectares d’oliviers et d’autres fruitiers, et détruit des maisons avec un bilan humain très lourd.

La Kabylie, qui  a été durement touchée, a vu ses oliviers centenaires réduits littéralement en cendres. En les détruisant, les feux ont privé des milliers de familles des fruits de culture vivrière pour majeure partie de la population. Les interrogations autour de la possible régénération du tissu consumé par les feux restent entières. « Ces incendies criminels impactent directement la production oléicole », se désole Hakim Alileche.