Le gouvernement de transition de Noureddine Bedoui s’apprête à faire passer la nouvelle loi sur les hydrocarbures, malgré les protestations qui l’accompagnent. Cette loi est-elle opportune ?
Saïd Beghoul, expert pétrolier. Personnellement, je ne parle pas de l’opportunité ou d’absence d’opportunité. Mais de son apport. Qu’elle soit inopportune ou pas, cette loi ne réglera pas les problèmes que traverse notre industrie pétrolière. On pense que faire venir les partenaires étrangers va booster les réserves, la production et les exportations, régénérer les réserves de change… et on veut attirer les majors (Shell, Exxon, BP, Total…) pour venir explorer, découvrir de grands gisements. Cela s’appelle rêver !
Quels sont les problèmes de l’industrie pétrolière ?
Les problèmes de notre industrie pétrolière c’est que les réserves baissent, les découvertes n’arrivent pas à compenser les volumes produits, la production a chuté de 18% depuis 2006-2007, les exportations ont chuté de 30%. Si ça continue comme ça, en 2030-2035, nous ne pourrons plus exporter, le marché intérieur est prioritaire.
Que préconisez-vous comme solutions ?
La Solution ? Revoir notre politique d’exploration, augmenter le taux de récupération des anciens gisements, utiliser nos compétences, à savoir Sonatrach.
Pour vous, il n’est pas urgent de promulguer une nouvelle loi sur les hydrocarbures ?
Ce n’est pas une loi qui va nous sauver. Il faut bien une loi, certes, pour réguler les choses, mais en faire une baguette magique pour régler nos problèmes, je ne partage pas cette conception des choses.
D’ailleurs cette loi ne va drainer, éventuellement, que quelques modestes compagnies moins importantes que Sonatrach. Le gouvernement est sous pression. Sonatrach a sa part de pression car c’est elle qui avait, il y a quelques jours, insisté sur la nécessité de faire appel aux partenaires, en publiant un rapport dans ce sens. Et donc le gouvernement a fait passer la loi pour «débloquer» les choses et attirer les investisseurs étrangers qui, selon Sonatrach, attendent la promulgation de la loi et notamment ses dispositions fiscales.
En résumé : Sonatrach veut un partenariat en urgence, le partenaire attend la loi (fiscalité surtout), donc le gouvernement fait passer la loi pour répondre aux vœux de Sonatrach, voilà tout.
Qu’est ce qui expliquerait les réticences des majors internationales à investir en Algérie ?
Les blocs promus par Alnaft (Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures, Ndlr) sont désormais à risque géologique et commercial. Les majors sont intéressées par des gisements, en offshore brésilien notamment, où chaque découverte c’est 2 à 4 milliards de barils. Ils n’investissent plus dans les régions où les découvertes sont en deçà de leur gros appétit.
Vous pensez que l’Algérie n’est plus attractive pour ces majors ?
Absolument. Exxon Mobil vient d’annoncer son programme de désinvestissement qui atteindra 15 milliards de dollars d’ici 2021. Il a commencé par la cession de ses assets amont (4.5 milliards de dollars) en Norvège sur une vingtaine de gisements exploités par Equinor et dont la production est de 150 000 barils équivalent pétrole par jour en 2019… Viendra-t-il explorer en Algérie ?
Est-ce que le texte en préparation est susceptible de brader les richesses du sous-sol comme le dénoncent les dizaines de citoyens qui demandent carrément le retrait du texte ?
Je ne le pense pas. Il y a trop de prudence parfois. C’est la notion de « concession » qui a un peu agacé le citoyen alors que la « concession Amont » est accordée à Sonatrach par Alnaft.