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Hydrocarbures, privatisations, retraites : baliser le terrain pour le prochain président

Hydrocarbures, privatisations, retraites : baliser le terrain pour le prochain président

Et si la révision de la loi sur les hydrocarbures n’était qu’une infime partie d’un vaste chantier que le gouvernement Bedoui compte concrétiser avant de passer la main à l’issue de la présidentielle du 12 décembre ?

Il est légitime de le penser puisque la vive polémique suscitée par la loi pétrolière ne s’est pas estompée qu’on parle déjà de l’ouverture d’un autre dossier hyper sensible, celui des retraites. Il serait question de plus d’avantages pour les entreprises et la CNR et moins pour le travailleur.

Officiellement, rien n’a été annoncé, mais les propos tenus récemment par le directeur de la Caisse des retraites laissent deviner une réforme imminente. Le responsable a proposé la réduction du taux de la pension de retraite à 60% au lieu de 80% du salaire, la prise en considération des 10 dernières années de travail à la place de 5 ans dans le calcul de cette pension et d’augmenter l’âge du départ à la retraite à 65 ans.

C’est le nouveau modus operandi des autorités algériennes. On se souvient, il y a quelques semaines, c’est Sonatrach qui avait interpellé le gouvernement sur la nécessité de revoir la législation pour attirer plus d’investissements et augmenter la production pétrolière, en déclin depuis plusieurs années. La suite, on la connait : un projet de loi élaboré dans l’opacité et approuvé en conseil des ministres malgré un fort rejet populaire.

Au vu des décisions prises et des réformes au programme, il semble que le gouvernement est chargé d’expédier toutes les questions qui fâchent avant qu’un nouveau chef de l’Etat ne prenne les commandes. Dans le but de lui baliser le terrain et de lui éviter d’entamer son mandat par des mesures impopulaires ?

Cela semble l’unique explication à l’empressement d’un Exécutif nommé pour gérer les affaires courantes et qui se retrouve à définir la politique économique de l’Etat sur le long terme.

Pour la loi sur les hydrocarbures, les experts ont été unanimes à la trouver favorable au capital étranger, à balayer l’argument de l’urgence et à souligner la nécessité d’une large concertation avant de mener une telle réforme.

Or, le gouvernement a fait tellement vite que même la fédération des pétroliers de l’UGTA n’a pas été consultée. Aussitôt annoncée, la révision a été adoptée en conseil des ministres et devrait être validée dans les prochains jours par le Parlement, même si des forces politiques traditionnellement proches du pouvoir, comme le RND, ont exprimé des objections.

Avant cela, le gouvernement avait mis à profit l’élaboration de la loi de finances 2020 pour faire sauter la règle 51-49, un garde-fou mis en place il y a dix ans pour éviter l’hégémonie du capital étranger. La décision n’a pas suscité de tollé car la règle en question ne comporte pas que des avantages, étant longtemps pointée du doigt dans la faible attractivité du marché algérien à l’investissement étranger, mais sa suppression confirme le virage libéral pris par le gouvernement Bedoui.

Un plan d’ajustement sans le FMI

Et ce n’est pas tout. Même l’épineux dossier des privatisations est peut-être en train d’être ouvert. Du moins, c’est ce qu’on comprend à la lecture du compte-rendu de la rencontre entre Abdelkader Bensalah et son Premier ministre, le 8 octobre.

Ce jour-là, Noureddine Bedoui a, selon l’agence officielle, « présenté au chef de l’Etat un exposé sur les délibérations de la réunion de la 196e session du Conseil des participations de l`Etat (CPE), tenue jeudi 03 octobre 2019 et dont les travaux ont porté sur des questions organisationnelles et autres liées à l’examen et à l’approbation de propositions de création de sociétés mixtes (…) Le chef de l’Etat a encouragé les membres du gouvernement à poursuivre leurs activités dans le cadre du CPE pour relancer une dynamique au niveau des groupes économiques publics, augmenter la part de leur contribution au développement national et créer des partenariats fructueux et diversifiés avec des Groupes et des sociétés privées algériennes et étrangères, ce qui est à même de permettre la mise à niveau et l’augmentation du rendement économique des entreprises publiques nationales et de les faire bénéficier des expertises et nouvelles technologies. »

A cause sans doute de l’actualité politique bouillonnante, l’information est presque passée inaperçue, mais elle est d’une grande importance. En d’autres termes, le Premier ministre a été instruit de faire en sorte que le capital des entreprises publiques soit ouvert au capital privé, national ou étranger.

Le dossier des privatisations, qui a longtemps été laissé au fond des tiroirs par les gouvernements successifs à cause de sa sensibilité pour le front social, vient d’être déterré par un gouvernement censé se contenter d’assurer un minimum de fonctionnement pour les différents services de l’Etat.

Investissements pétroliers et ordinaires, privatisations, retraites, une sorte de plan d’ajustement est en train d’être exécuté. Sans le FMI ni la Banque mondiale. Des réformes peut-être indispensables au vu des perspectives qui ne s’annoncent pas bonnes pour les finances du pays, mais que le prochain président n’aura pas à assumer.

Le sale boulot aura été fait à sa place par un gouvernement qui, franchement, n’a plus rien à perdre.

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