Comment avez-vous appris que c’est la ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication qui a instruit Algérie Télécom de bloquer TSA ?
Nous avons eu différentes catégories de sources. La première est la grande famille d’Algérie Télécom et de Mobilis. Il faut savoir que le staff (de ces deux entreprises) est très large et qu’il y a eu de nombreux changements ces derniers temps. Beaucoup de personnes ont été mises au placard. Certaines sont donc prêtes à prendre des risques. Dès la première semaine du blocage, nous avons posé des questions à des personnes. Nous n’avons pas eu d’informations. Les langues se sont déliées par la suite quand on commençait à comprendre que ça ne venait visiblement pas d’un centre de pouvoir politique ou qu’il n’y avait pas un consensus sur cette décision. Nous avons également interrogé des providers privés qui connaissent les procédures. Quand on a bloqué les sites du Mouvement d’autonomie de la Kabylie (MAK), on leur a fait signifier qu’il y avait une décision de justice. Certains ont demandé ce qu’il fallait faire avec TSA. On a compris qu’il s’agissait d’une affaire directe entre la ministre et Algérie Télécom.
| LIRE AUSSI : Repéré pour vous | L’ordre de bloquer TSA a été transmis au téléphone par Houda-Imane Faraoun à Algérie Télécom
Pour bloquer les sites du MAK, la justice a été saisie. Ce n’est pas le cas pour TSA. Comment expliquez-vous cela ?
Cela s’est passé de manière complètement informelle à travers un coup de fil à Algérie Télécom qui a transmis (l’instruction, NDLR) à sa filiale Mobilis. C’est ce qui montre que le canal de la décision n’est pas le même. Dans le cas des sites du MAK, le canal est sécuritaire. Je pense que ce sont les services de sécurité en relation avec le ministère de l’Intérieur (qui se sont chargés du dossier, NDLR). Dans l’affaire de TSA, cela s’est fait de manière informelle parce que ce n’est pas consensuel.
Que signifie pour vous cette censure dont fait l’objet TSA ?
Depuis le premier jour du blocage, on a pris option de ne pas s’intéresser à la motivation parce qu’on a considéré que si on rentrait dans ce débat, on ouvrirait une brèche très dangereuse. On laisserait entendre qu’il y a des cas où le blocage est possible. C’est comme si on se mettait du point de vue du censeur qui pourrait être amené à agir de la sorte s’il y a quelque chose qui ne lui convient pas. Depuis le début, notre attitude a été de considérer que l’accès à Internet est sacré et qu’il ne devrait pas être touché. En tous cas, pas de cette manière. Actuellement, nous sommes sûrs que le blocage s’est fait de la manière la plus informelle. Il reste un point d’interrogation. Est-ce que la ministre a agi seule ou est-ce qu’elle a reçu une instruction ? Elle doit nous expliquer pourquoi elle a passé un coup de fil, si elle l’a fait au nom du gouvernement ou sur instruction d’un centre de pouvoir précis et préciser lequel. Elle doit également nous dire pourquoi on n’a pas utilisé la procédure légale qui doit être motivée devant un juge.
| LIRE AUSSI : COMMUNIQUÉ. La censure de TSA entame son deuxième mois
Vous avez décidé de créer une association professionnelle pour les journaux électroniques. Vous en êtes où actuellement ?
Nous sommes très heureux d’avoir pris cette initiative. Elle nous a permis d’exprimer une solidarité collective. Ce qui n’est jamais une mauvaise chose dans des moments difficiles. Elle nous a également permis de nous rendre compte qu’il y avait beaucoup d’éditeurs à travers le pays qui sont en train de monter leurs journaux électroniques et qui sont dans la même démarche que nous. C’est-à-dire qu’ils veulent être reconnus par les autorités, avoir un statut clair et exercer le métier en toute responsabilité. Pour le moment, on a que des facteurs de convergence et je suis donc très optimiste pour la suite de l’initiative. Nous avons beaucoup avancé. Nous avons encore une réunion préparatoire prévue dimanche prochain avant de tenir une assemblée générale et demander un agrément.