En quatre ans de normalisation, le Maroc semble avoir bien assimilé la stratégie de son allié israélien : provoquer et accuser les autres de terrorisme ou de velléités belliqueuses.
Trois jours après un discours menaçant de Mohammed VI, son ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita est passé un cran au-dessus dans la provocation. Il a accusé solennellement l’Algérie de chercher à déclarer la guerre au royaume.
Dans un discours prononcé mercredi 6 novembre, à l’occasion de l’anniversaire de l’occupation du Sahara occidental en 1975, le roi du Maroc a employé un ton inhabituel à l’égard de l’Algérie, qu’il n’a pas nommée mais à laquelle il a fait des insinuations très graves et provocatrices.
Mohammed VI a pointé du doigt ceux qui “réclament toujours la tenue d’un référendum” et refusent le recensement des réfugiés de Tindouf, tenus, selon lui “en otage dans des conditions lamentables”.
Il a aussi accusé l’Algérie, toujours sans la citer, d’instrumentaliser la question du Sahara occidental pour avoir “un accès à l’Atlantique” et pour couvrir ses “nombreux problèmes domestiques”.
Le ton est clairement belliqueux, provocateur et agressif, mais c’est le Maroc qui crie aux velléités belliqueuses.
Intervenant vendredi 8 novembre devant la commission des affaires étrangères et de défense du Parlement, le chef de la diplomatie marocaine a sonné l’alerte sur ce qu’il considère comme des “velléités belliqueuses” de l’Algérie qui cherche, selon lui, “l’escalade”. Nasser Bourita a mis en garde le pays voisin “contre toute tentative de mener une guerre contre le Maroc”, selon des compte-rendus de la presse marocaine.
Bourita a assuré devant les parlementaires qu’il y a des “indicateurs attestant de la volonté de l’Algérie de déclencher une guerre dans la région et une confrontation militaire avec le Maroc”, rapportent de nombreux médias marocains, dont yabiladi.net.
Selon lui, la guerre serait la seule réponse de l’Algérie à ce qu’il considère comme des “acquis réalisés par Rabat sur la scène internationale sur le dossier du Sahara”, dont notamment la reconnaissance par la France de “la souveraineté marocaine” sur le Sahara occidental.
Nasser Bourita confirme la nouvelle escalade du Maroc vis-à-vis de l’Algérie
Le ministre Marocain a bien choisi le timing pour proférer son accusation, histoire de la rendre crédible. Il l’a lâchée une semaine après l’imposant défilé militaire organisé pour les 70 ans de la révolution, le 1er novembre dernier.
Le président de la République Abdelmadjid Tebboune avait pourtant précisé dans son allocution sur place que la doctrine de l’ANP est “défensive et son armement est destiné exclusivement à la défense de l’Algérie et à la protection de sa souveraineté nationale”.
Les accusations de Bourita et plus globalement le changement de posture marocain coïncident surtout avec le revirement de la France et le retour de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis.
La signature des accords de normalisation sous l’égide du même Donald Trump en contrepartie de la reconnaissance par les États-Unis de “la marocanité” du Sahara occidental avait donné des ailes au pouvoir marocain qui a multiplié les actes hostiles à l’égard de l’Algérie, provoquant la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays en août 2021.
En novembre de la même année, l’armée marocaine a tué dans une frappe aérienne trois commerçants algériens à la frontière entre la Mauritanie et le Sahara occidental. Un acte provocateur qui aurait pu constituer le casus belli si l’Algérie cherchait réellement la guerre. Quelques mois avant, c’est le ministre israélien des Affaires étrangères Yaïr Lapid qui est venu menacer l’Algérie à partir du territoire marocain.
Avec ses accusations non fondées contre l’Algérie, le royaume vient d’ouvrir une autre escalade dans le contexte d’un environnement international qu’il croit favorable.
Les derniers propos de Nasser Bourita sont à mettre sur le compte de mauvais calculs et de la stratégie éculée du Maroc qui est de s’empresser de rejeter sur les autres ses propres méfaits. Tout comme les accusations proférées par le roi dans son discours du 6 novembre.
L’Algérie a évidemment ses propres “problèmes domestiques”, mais ils ne sont en rien comparables à ceux du royaume qui fait face à une crise économique et sociale suffocante. En septembre dernier, des milliers de jeunes marocains ont tenté, devant les yeux du monde entier, une évasion collective spectaculaire vers l’enclave espagnole de Ceuta. Près de la moitié des jeunes marocains sont au chômage et le Maroc est l’un des pays les plus endettés d’Afrique.