Politique

« Il faut cesser de politiser l’école algérienne »

Meziane Meriane est président du Syndicat national autonome des professeurs d’enseignement secondaire et technique (Snapest). Il effectue dans cet entretien une évaluation de l’année scolaire qui s’achève.

Quelle évaluation faîtes-vous de cette année scolaire 2020/2021 ?

C’est une année scolaire particulière avec la pandémie de covid-19, donc automatiquement on est touché comme tous les autres pays. Si on a pu faire face au côté sanitaire, le côté pédagogique a été beaucoup négligé sans parler du côté social des fonctionnaires de l’Éducation.

Commençons par le côté pédagogique. Comment est-il négligé ? Qu’est-ce que vous voulez dire par « négligence » ?

Par négligence, je voudrais souligner qu’on a proposé de changer de méthode d’enseignement à partir du moment où le volume horaire de l’enfant est divisé par deux, et ce en travaillant par groupes.

Il y a lieu de changer de méthode d’enseignement pédagogique. Ça n’a pas été fait. Donc on est resté avec la méthode classique et, résultat des courses, le programme n’est pas terminé. On a connu encore des retards à ajouter aux retards accumulés à la fin de l’année scolaire 2019/2020.

Cela se répercute-t-il négativement sur le niveau de nos élèves ?

Automatiquement, ça va se répercuter. Ils passent aux classes supérieures avec des chapitres en moins.

Toujours est-il qu’on a encore suggéré de revoir les objectifs pédagogiques. Au lieu de s’entêter à les avoir à court terme, on doit les revoir à long terme. Ce que je veux dire par là, lorsque l’enfant aurait terminé trois ans, il doit avoir le même bagage qu’il avait auparavant pendant trois ans. Ce qui signifie répartir le retard sur les années, et non pas s’entêter à rattraper en une année sinon ça va bien sûr surmener l’enfant.

Sur le plan social, le secteur de l’Éducation a connu plusieurs mouvements de protestations et de grèves. Qu’est-ce qui se passe ?

J’ai eu l’occasion de rencontrer monsieur le ministre de l’Éducation nationale le 24 mai. Ce qu’on est en train de vivre actuellement dans le secteur de l’Éducation, sa cause est le manque de dialogue social. Je lui ai dit qu’il faut penser à solutionner les causes et non pas conséquences.

Vous avez fermé les portes du ministère de l’Éducation devant les représentants. Comment voulez-vous solutionner des problèmes qui ne sont pas pris en charge et présentés devant vous ?

On a remis des dossiers qui n’ont pas été pris en charge. On a demandé aussi des rencontres pour solutionner certains problèmes. Ils n’ont pas été pris en compte, avec comme conséquence ce que vous voyez dans certaines wilayas. C’est malheureux de le dire, et cela continue aussi dans la wilaya d’Oran.

Qu’est-ce qui s’est passé à Oran ?

Il y a eu beaucoup de dossiers qui ont été déposés sur la gestion de l’ancienne académie d’Oran. Ils n’ont pas été pris en charge. Il a fallu qu’ils déclenchent une grève assez dure pour que le ministère daigne envoyer une commission d’enquête.

Elle a abouti à un constat qu’on avait déjà fait au mois de janvier. Si on nous avait écoutés au mois de janvier, on n’aurait pas abouti à des arrêts de travail actuels. Les enseignants extrapolent sur la situation des salaires, ce qui est tout à fait légitime. Le pouvoir d’achat est laminé et il est tout à fait légitime de réclamer un salaire un peu décent pour prendre en charge sa famille.

Dans l’une de vos déclarations, vous avez dit que le secteur de l’Éducation a été utilisé pour des fins politiques. Qu’est-ce que vous vouliez-dire par « fins politiques » ?

J’ai dit qu’il faut cesser de politiser l’école algérienne. Il faut que l’école algérienne ne subisse plus les règlements de compte politiques entre les partis politiques sur le dos de l’apprentissage de l’enfant.

Je voudrais dire par là qu’il y a eu de l’interférence et de l’ingérence idéologique sur certaines matières enseignées dans l’Éducation.

Donc mettons l’école à l’abri de cette idéologie, mettons l’école à l’abri des luttes politiques. D’ailleurs, il est stipulé clairement dans la Constitution de protéger l’école et laisser l’école loin des turbulences et des querelles politiques.

Des enseignantes ont été violemment agressées à Bordj Badji Mokhtar, à Batna. Comment voyez-vous ces incidents ?

Ces incidents sont inadmissibles. Il faut aussi dire une chose. Ces enseignants sont en quelque sorte volés, même pour certains à Bordj Badji Mokhtar malheureusement il y a eu des viols, ce n’est pas parce que c’est des enseignants.

C’est parce que la situation est propice à des vols. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de veilleurs de nuit. Il n’y a pas de concierge. Délaissées, abandonnées, elles sont devenues des proies faciles.

L’école primaire est prise en charge par les APC et le Conseil pédagogique est pris en charge par le ministère de l’Éducation nationale. On a abordé cet aspect avec monsieur le ministre en lui disant faisons un protocole d’accord avec le ministre de l’Intérieur.

Il doit y avoir des veilleurs de nuit, il doit y avoir des concierges. On ne doit pas abandonner les femmes venues de loin pour enseigner afin de remplir des tâches aussi nobles et les mettre en danger devant des brigands, des bandits et des voyous. Des solutions doivent être trouvées.

C’est dramatique parce qu’on l’a signalé bien avant, à plusieurs reprises. Le problème de Bordj Badji Mokhtar et dans d’autres localités isolées, nos délégués l’ont confirmé et signalé. Malheureusement, ça n’a pas été pris en charge.

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