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« Il faut un grand travail diplomatique pour contrecarrer la politique colonialiste d’Ankara » en Libye

« Il faut un grand travail diplomatique pour contrecarrer la politique colonialiste d’Ankara » en Libye

Pourquoi la Turquie s’implique-t-elle militairement en Libye ?

Sofiane Sekhri, politologue. Il faut souligner qu’en matière de relations internationales, il y a une transition par la force. La Turquie, pays émergent, vise à jouer un grand rôle au niveau international. Et depuis quelques années, ce pays a envisagé des approches et des stratégies géopolitiques afin de s’introduire dans plusieurs régions dont l’Amérique latine et l’Afrique. Étant donné ses potentialités, le continent africain est devenu un espace de grande concurrence entre les puissances. Pour faire revivre l’empire ottoman, la Turquie a comme objectif de se réimplanter en Afrique du Nord. Pour cela, les Turcs veulent commencer par une présence militaire très forte en Libye.

Il y a aussi les gisements de pétrole et de gaz que la Turquie convoiterait…

Bien entendu. Quand on parle de concurrence sur le plan géopolitique, on vise les zones instables et ce qu’on appelle les États faibles. Pourquoi ? Parce que ce sont souvent des pays qui ont une situation stratégique très importante. Il y a aussi le facteur lié aux potentialités en matière de ressources naturelles libyennes, notamment le gaz et le pétrole. Et puisque la Libye est dans une situation d’instabilité et où il y a plusieurs zones de gouvernance, elle constitue alors un lieu idéal pour s’y implanter.

Quel est l’impact d’un éventuel conflit armé sur la région ?

Premièrement, il y a lieu de condamner la manœuvre turque. Avec une telle approche, c’est-à-dire l’intervention militaire, la Turquie a défié la communauté internationale notamment les recommandations du Conseil de sécurité de l’ONU, de la Ligue arabe, mais aussi la position de pays importants dans la région et qui ont des liens historiques et culturels avec la Libye. Comme l’Algérie qui a considéré qu’une intervention militaire peut engendrer une instabilité et installer le chaos dans la région. La Turquie n’a donc pas pris en ligne de compte ces considérations ni encore les recommandations de la communauté internationale. Les résultats de l’intervention militaire turque seront catastrophiques voire chaotiques pour la région.

Il est à espérer qu’Ankara révise son approche et écoute la communauté internationale car la solution idéale pour la Libye est la voie pacifique. La position idéale c’est d’aller vers le dialogue. La situation est très délicate en Libye. Le maréchal Haftar cherche une légitimité internationale en dénonçant l’ingérence étrangère à travers l’intervention militaire turque, tandis que Al Serraj reconnu par la communauté internationale, n’a pas tout le territoire libyen sous son contrôle. Avec une intervention militaire de la Turquie, dénoncée par plusieurs acteurs et par la communauté internationale, on s’achemine vers une situation très dangereuse en Afrique du Nord.

Quel impact sur l’Algérie ?

Nous avons confiance en notre armée, nos services de sécurité et les services de renseignement. Il reste que l’Algérie doit déployer un grand travail diplomatique avec ses partenaires de l’Union européenne mais aussi les États-Unis, l’Union africaine et la Ligue arabe et les Nations unies afin de contrecarrer cette approche turque et la politique colonialiste d’Ankara. L’Algérie, qui a des frontières avec la Libye, a un devoir envers ce pays et un grand travail diplomatique l’attend afin de convaincre les partenaires, les instances régionales et internationales ainsi que les protagonistes, d’aller vers le dialogue et la solution pacifique.

Une solution politique à la crise libyenne est-elle encore possible ?

Je pense que l’installation dans le temps du conflit militaire en Libye est le résultat du fait que beaucoup de pays n’ont pas respecté la décision d’embargo sur la vente d’armes à ce pays. Ce fait ne favorise pas le dialogue. De plus, le potentiel en ressources naturelles et la situation géostratégique de la Libye font que beaucoup de pays (États-Unis, pays européens, monarchies du Golfe, Égypte…) ont misé sur ce pays. Tous ont une main directement ou indirectement dans la situation d’instabilité de la Libye et dans l’éloignement d’une solution pacifique à la crise.

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