Djamel Ould Abbes, secrétaire général du FLN, occupe la vacuité politique de ce mois de juillet caniculaire pour faire la promotion du 5e mandat pour le président Bouteflika et surtout pour attaquer autant les adversaires que les alliés.
Ould Abbes ne cesse de le répéter : le FLN est « la première force politique » du pays et l’actuel chef de l’État est le président du parti. Il suggère même que rien ne se fera sans le FLN. De quoi a donc peur le premier responsable du FLN ? D’affronter des contestations internes au sein du parti ? D’être dépassé par les événements à neuf mois de l’élection présidentielle ?
Alerté par l’initiative du MSP d’inviter des partis et des personnalités pour discuter d’un projet de « consensus national » devant aboutir à « une transition politique et économique », Ould Abbes a d’abord rejeté toute idée de « transition démocratique » en Algérie. Il a ensuite parlé d’un « marchandage » qu’aurait fait Mahfoud Nahnah, figure historique de l’islamisme algérien modéré, au président Abdelaziz Bouteflika en 1999, avant le premier mandat. Il ne s’agit pas d’un secret, selon le SG du FLN.
Cette sortie a provoqué une vive réaction du MSP, ex-Hamas, le parti crée par Mahfoud Nahnah, après l’ouverture au multipartisme en 1989.
Le FLN et le MPS ont siégé dans les mêmes gouvernements
« Cheikh Nahnah n’était pas un homme de marchandage. C’est lui qui a cédé son droit à la présidence de la République, après avoir été plébiscité par les électeurs en 1995 », a réagi le MSP dans une déclaration de presse. L’ex-Hamas a toujours revendiqué « la victoire » de Nahnah face au général Liamine Zeroual, lors de l’élection présidentielle de 1995, ce que le pouvoir a rejeté.
Le MSP était partenaire du FLN au sein de l’Alliance présidentielle, aux côtés du RND, lors du deuxième et du troisième mandat de Bouteflika. Le parti islamiste s’est retiré en 2014 en raison de son opposition au 4e mandat pour Bouteflika.
Ould Abbes semble avoir oublié que le MSP a même fait partie de plusieurs gouvernements depuis au moins une quinzaine d’années. Ses ministres ont siégé aux côtés de ceux du FLN et ont partagé les échecs et les succès de nombreux Exécutifs. L’ex-parti unique a-t-il déjà tourné la page de cette « cohabitation » créée autour du « programme » de Bouteflika ?
Critiquer Ouyahia, une constante chez Ould Abbes
La même question peut être posée concernant le RND. Ould Abbes a, sans citer ce parti, perçu toujours comme un rival du FLN, a évoqué un « marchandage » qui aurait eu lieu en 1999 avec Bouteflika, alors « candidat du consensus » pour remplacer Liamine Zeroual.
Dirigé à l’époque par Mohamed Tahar Benbaïbèche, le RND, né en 1997, aurait demandé, selon le SG du FLN, des postes de ministres et de walis en échange de son soutien à la candidature de Bouteflika. Le RND d’Ahmed Ouyahia a vite réagi en parlant de « position personnelle » de l’ex-SG (Benbaïbèche a été écarté en janvier 1999 pour être remplacé par Ouyahia) et en soutenant que le Rassemblent a appuyé « le Moudjahid Abdelaziz Bouteflika sans réserves ni conditions depuis 1999 ». Cette position est présentée comme « constante ».
Mais qu’est-ce qui a amené Ould Abbes à égratigner le RND après avoir blessé les islamistes du MSP ? Le SG du FLN, qui a remplacé Amar Saâdani au pied levé à la direction du parti, n’a eu de cesse de critiquer Ahmed Ouyahia, actuel Premier ministre, sur plusieurs aspects de sa politique et de ses positions : privatisation, terres agricoles, pieds noirs, le système judiciaire, loi de finances complémentaire, etc. Mais Ouyahia, ex-directeur de cabinet du président Bouteflika, n’est-il pas chargé d’appliquer le programme du chef de l’État, le même programme que le FLN défend ? Si non, pourquoi le FLN ne demande-t-il pas son départ ? Et pourquoi le FLN, qui a la majorité au Parlement, n’exige-t-il pas le poste du Premier ministre pour être, au moins, « sûr » que le programme du chef de l’État soit appliqué sur le terrain ?
Le SG du FLN face à la crainte des « plans alternatifs »
À une trentaine de semaines de la présidentielle, les grosses manœuvres ont évidemment commencé. À plusieurs niveaux. L’été politique se révèle par de petites séquences. Jusqu’à présent, Djamel Ould Abbes occupe le plein écran, profitant d’un retrait intriguant de l’opposition. Il avance avec cloches et gros sabots sur un échiquier qui n’est pas stable et dont les pions sont mobiles. Il semble redouter que des plans alternatifs apparaissent au projet du 5e mandat qu’il défend d’une manière régulière « au nom des 700.000 militants du FLN ».
Le président Bouteflika n’a encore rien dit à propos de ses intentions politiques futures. « Laissez le quatrième mandat s’achever d’abord », a même conseillé Amara Benyounes, président du MPA, un soutien du président Bouteflika. Les candidatures de poids, pour la présidentielle d’avril 2019, sont encore invisibles. Tout le monde donne l’impression d’attendre « quelque chose » surtout après les récents changements au sein des services de sécurité.
L’appel lancé à l’armée par Abderrazak Makri, président du MSP, pour accompagner « la transition », a fait actionner le bouton orange au sein du FLN. D’où la réaction rapide de Ould Abbes rejetant l’implication de l’armée dans la politique.
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La « veille » tactique
Les ambitions d’Ahmed Ouyahia de se porter candidat à la présidentielle, même si elles ne sont pas exprimées publiquement, font l’objet d’une « veille » tactique au sein de l’ex-parti unique. Comme le FLN n’aura jamais le temps de préparer et de présenter un autre candidat, au cas où le président Bouteflika décidait de ne pas se représenter, il sera condamné à suivre le mouvement, dans un sens comme dans un autre.
Djamel Ould Abbes, qui dit faire de la politique depuis 60 ans, s’est-il préparé à toutes les éventualités ? Ou subira-t-il le sort des autres secrétaires généraux du parti, poussés à la porte dès que les schémas changent ?