Il aurait été intéressant de voir la tête que faisaient les partisans de la méthode forte pendant que des millions de manifestants battaient le pavé, ce vendredi 8 mars, un partout à travers le pays. Eux qui brandissaient la menace de la répression pour les tenir dans leurs foyers où ils se terraient depuis des années auraient pu jouir de cette image de l’Algérie qui fait envie dans le monde.
Il n’y z eu ni staccato des armes, ni bruit des pavés tombés sur les casques – hormis des incidents en fin de manifestations à Alger qui étaient le fait de délinquants. Les pays nordiques même verraient dans ces manifestations une source d’inspiration quand en France, “patrie des droits de l’homme”, on ne manque pas de s’étonner de ce civisme.
S’il est une leçon à retenir de ce troisième acte de la mobilisation contre le projet de cinquième mandat de Bouteflika c’est le comportement de la police. Déployés en nombre, ses effectifs n’ont jamais autant mérité leur nom de “forces de l’ordre”. On les connaissait sous leur seule expression de “forces de la répression”, ils se sont révélés sous la belle lumière d’un printemps précoce.
Face aux cortèges formés de familles, les policiers ont été exemplaires. Et les manifestants ont témoigné de leur respect et de leur affection. Il n’y eut ni jets de pierres, ni insultes ni les refrains hostiles habituels. C’est un jour de fraternité où pour la première fois les Algériens tous unis ne se sont pas dressés les uns contre les autres. Une fraternité immortalisée dans des clichés et des vidéos largement partagées sur les réseaux sociaux. Dans l’une de ces vidéos, on voit des policiers célébrer leur joie d’avoir réussi à sécuriser la manifestation.
Il y eut un autre 8 mars à la gloire de la police. C’était en 1994, au cœur de la décennie noire où les chancelleries croyaient pouvoir compter les mois qui séparaient le pays de l’instauration de la République islamique. Cible des terroristes, les policiers recevaient ce jour là l’hommage des manifestants hurlant “la police dialna dialna” quand leur cortège passait devant le commissariat central d’Alger.
Le cortège ne pesait pas par la force du nombre mais par celle du courage en ces temps où la seule parole adressée à un policier pouvait coûter condamnation à mort quand eux-mêmes étaient contraints de rechercher l’anonymat, débarrassés de leur uniforme. Un quart de siècle après, quel changement ! Ce 8 mars jour aura vu naître un nouveau rapport entre les citoyens et les forces de l’ordre. Le ministre de l’Intérieur devrait se réjouir.
Hier, nos policiers ont protégé la démocratie et le droit du peuple à s’exprimer librement. La démocratie a besoin de liberté. Mais aussi d’ordre et d’autorité pour la protéger. Ce que les Algériens ne contestent pas.
En France, un homme politique doit s’émoustiller de bonheur. Il s’agit du leader de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon. Mercredi, il louait le comportement “exemplaire” des forces de l’ordre algériennes qui ont su “faciliter, encadrer, canaliser, stabiliser” la manifestation. “La police algérienne fait son travail tel qu’on voudrait qu’elle le fasse en France”, a-t-il souhaité.
A partir d’aujourd’hui, il ne sera pas honteux de faire les éloges de la police. Et comme le chanteur anarchiste Renaud défilant après les attentats contre Charlie Hebdo vous pouvez embrasser un flic. “Oui je me suis approché, j’ai embrassé un flic”, chantait l’ancien loubard qui jadis massacrait “les matraqueurs assermentés” et leurs “sales besognes”.