Après le RND, c’est le FLN qui apporte son soutien au mouvement populaire. « Les militants du FLN soutiennent le mouvement populaire et défendent en toute sincérité la réalisation des objectifs, avec une feuille de route claire », a déclaré, ce mercredi 20 mars, Mouad Bouchareb lors d’une rencontre avec les militants du vieux parti.
Juste un détail qui cloche. Derrière le coordinateur provisoire du vieux parti, trônait un portrait encadré du président de la République, celui-là même qui se trouve en droite ligne du viseur des manifestants depuis bientôt un mois. Ce même cadre qui fut sans doute l’un des éléments déclencheurs de la révolte populaire.
Il y a un peu plus d’un mois, le même Bouchareb s’égosillait à la Coupole olympique, avec le même entrain, sous le regard du même « cadre », à défendre le choix du parti pour la continuité et un cinquième mandat pour le « père moudjahid » Abdelaziz Bouteflika.
Au lendemain du 22 février, Bouchareb s’en est allé attaquer frontalement ceux qui, la veille, étaient sortis par centaines de milliers réclamer le départ de Bouteflika. « Vous pouvez rêver », avait-il lancé dédaigneusement à partir d’Oran. Trois grandes marches plus tard, il devient presque un révolutionnaire.
Presque, parce que sur le fond, il développe à peu près le même discours d’allégeance aveugle au président Bouteflika. Il ne s’en cache pas, puisqu’il soutient que la solution est dans cette « feuille de route claire ». Comprendre, celle que le chef de l’État a rendue publique le 11 mars et que le peuple a rejeté d’une manière on ne peut plus magistrale quatre jours plus tard. Bouchareb soutient le peuple, sans vraiment lâcher le président. Enfin, pas encore.
Le RND aussi s’adonne à la même gymnastique improbable. Ahmed Ouyahia est allé un peu plus loin en appelant le pouvoir, une semaine après l’avoir quitté, à « répondre dans les plus brefs délais » aux revendications de la rue. Avant d’être débarqué de son poste de Premier ministre, Ouyahia était le seul haut responsable à menacer directement les manifestants en rappelant la capacité de l’Etat à « maîtriser la rue » et en brandissant le chaos de la Syrie où la révolution avait aussi « commencé avec des roses ».
Le porte-parole du parti Seddik Chihab s’est complètement lâché en s’en prenant au frère du président, sans le nommer, évoquant des forces « non constitutionnelle » ayant exercé le pouvoir ces cinq ou six dernières années, soit depuis la maladie de Bouteflika. Son parti l’a désavoué en mettant ses propos sur le compte de « l’émotion ». Pour le RND, le président n’est pas encore parti, le système non plus et ce n’est franchement pas le moment de se montrer imprudent.
Avant de se voir frontalement contesté par la rue, le président avait dénoncé ceux qui tenaient le bâton par le milieu. C’était en novembre dernier. Ses appréhensions sont d’une incroyable justesse. Le FLN, le RND, tous les partis et organisations qui ont fait mine de le soutenir ont déjà mis un pied dans l’opposition et dans leurs rangs, on entend de plus en plus un nouveau slogan. « Ce n’est pas moi, c’est lui ». Hocine Khaldoune du FLN et Belkacem Mellah du RND, invités de TSA Direct, ont tout mis sur le dos des errements de leurs directions respectives. Ils s’en sont pris aux forces de l’argent, réclamé un congrès extraordinaire…
Le deal entre le président et ses partisans s’avère aujourd’hui être un marché de dupes où l’on échange un cheval borgne pour un aveugle : ils lui ont offert un soutien de pacotille et il a fait d’eux des coquilles vides. En pleine tempête, personne n’est en mesure d’être de quelque secours pour l’autre. Bouteflika quémande une sortie honorable et les partis qui l’ont soutenu ne sont pas sûrs de continuer à exister en tant que tels.
Ne l’oublions pas : la rue ne réclame pas que la tête du président. Elle exige aussi le départ de tous ceux qui symbolisent son système, les hommes d’affaires véreux, les chefs inamovibles des organisations dites de masse, les dirigeants du FLN et du RND…
Mais leur instinct de survie leur dit de tenter une dernière entourloupette. Tout ce beau monde ne désespère pas de jouer un rôle dans la prochaine étape, mais la réponse de la rue on la devine déjà. Pour Mouad Bouchareb, même la formule est prête et elle est de lui : « Tu peux rêver ! ».