Un rassemblement d’intellectuels qui voulaient dénoncer la diffusion, la semaine écoulée par l’ENTV, d’images choquantes sur « la décennie noire » a été empêché, ce samedi 7 octobre, par la police, venue en grand nombre devant le siège de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) à Alger.
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Des policiers en civil ont quadrillé les lieux et interdit aux cameramans de l’ENTV et de chaînes privées de prendre des images alors que les protestataires n’étaient pas encore arrivés sur les lieux. « Ils ont dit à un cameraman d’effacer ce qu’il a filmé », a révélé un journaliste.
Samir Benlarbi, militant politique et un des initiateurs de l’appel au rassemblement, a été interpellé en plein rue. « Ils nous ont pris directement vers le commissariat de la place du 1er Mai. Nous n’étions même pas arrivés devant le siège de l’ARAV », a-t-il précisé, contacté par téléphone.
D’autres signataires de l’appel du 5 octobre ont été embarqués par la police comme Mohamed Rafik Chérif, Chérif Rezki et Abdelghani Badi. « Au commissariat, on nous a pris nos téléphones portables mais nous avons été bien traités. On nous a expliqué que nous allions porter atteinte à la sécurité publique avec le sit-in. J’ai expliqué que nous avons déjà manifesté devant l’ARAV en juin dernier sans aucun problème. Que s’est-il passé pour qu’on soit empêché de le faire aujourd’hui ? En fait, ils n’avaient pas de réponse précise », a indiqué Chérif Rezki, journaliste.
En juin 2017, des intellectuels, des artistes et des journalistes avaient organisé un rassemblement devant l’ARAV pour protester contre une caméra cachée diffusée par Ennahar TV dans laquelle l’écrivain Rachid Boudjedra était mal traité. Un rassemblement marqué par la présence de Saïd Bouteflika, frère et conseiller du chef de l’État.
« Blessures de la tragédie nationale »
Le 5 octobre dernier un groupe d’une quinzaine de signataires entre avocats, journalistes, écrivains, universitaires et militants de la société civile ont publié, à travers les réseaux sociaux, un appel dans lequel ils ont critiqué la diffusion par l’ENTV, le 28 septembre 2017, d’images horribles sur les violences des années 1990, à l’occasion de la célébration du 12e anniversaire du référendum sur la Charte sur la Paix et la Réconciliation nationale.
Ils ont accusé le pouvoir de vouloir « faire peur au peuple » et d’avoir violé l’article 46 de la Charte sur la Paix et la Réconciliation nationale qui interdit « l’exploitation publique des blessures de la tragédie nationale ».
L’ARAV semble être devant un casse-tête. D’abord, l’un de ses membres est l’auteur du reportage « Pour qu’on n’oublie pas », diffusé par l’ENTV, et qui a suscité la polémique. Ensuite, et selon des sources proches de l’autorité, l’ARAV ne peut rien faire en l’absence d’une convention qui la lie à l’ex-RTA ou à des chaînes privées.
Le cahier des charges de l’institution de Zouaoui Benhamadi est presque inexplicable en l’absence de ces conventions pourtant obligatoires selon la loi sur l’audiovisuel.