La gauche française s’est jusque-là tenue à l’écart du débat sur l’accord de 1968 sur l’immigration algérienne en France, laissant le champ libre à la droite qui multiplie les appels à sa révocation.
L’un des rares représentants de la gauche à prendre la parole sur cette question, le député socialiste Philippe Brun, a exprimé son accord avec ceux qui considèrent l’accord de 1968 comme étant avantageux pour les immigrés algériens.
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur français relatifs aux titres de séjours délivrés en 2021, les Algériens ont obtenu moins de titres que les Marocains (25 000 contre 35 000 respectivement).
Dans une interview parue dans L’Express, Philippe Brun livre quelques arguments supplémentaires, démontrant que sur certains aspects, les Algériens sont même désavantagés en France.
Comme les étudiants qui, en vertu de cet accord ne peuvent travailler qu’à mi-temps alors que ceux des autres nationalités sont autorisés à travailler librement et parallèlement à leurs études, jusqu’à 60 % du temps complet, soit 964 heures par an.
Philippe Brun cite aussi cette disposition de l’accord algéro-français de 1968 qui exclut la prise en compte de l’allocation aux adultes handicapés dans le calcul des revenus ouvrant droit au regroupement familial, ce qui n’est pas le cas dans le droit commun.
Aussi, l’accord ne change rien concernant les visas, pour lesquels la France applique une politique européenne commune.
L’unique avantage accordé aux Algériens est en fait insignifiant : ils peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans après trois ans de présence sur le sol français, contre cinq pour les autres nationalités.
Ce qui fait conclure au député de gauche qu’il est « faux de dire qu’il (l’accord de 1968) est plus favorable que le droit commun des étrangers ».
Immigration algérienne en France : l’accord de 1968 est-il vraiment avantageux ?
L’une des personnalités de poids qui ont plaidé pour la dénonciation de l’accord, c’est l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, dans les colonnes du même média.
Pour Philippe Brun, la position du chef de file de l’aile droite de la majorité présidentielle a été inspirée par une note d’un think-tank libéral, signée par Xavier Driencourt, ambassadeur de France en Algérie à deux reprises, sous François Hollande et Emmanuel Macron. Cette note « offre une lecture très erronée de l’accord », estime-t-il.
Depuis la fin de son deuxième passage à Alger et son départ à la retraite en 2019, Xavier Driencourt a multiplié les sorties sur l’Algérie. En mai dernier, il a appelé à révoquer l’accord de 1968, quitte à provoquer la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et la France.
Il a été suivi quelques jours plus tard par Edouard Philippe, ancien Premier ministre d’Emmanuel Macron, avec, selon le député Philippe Brun, une autre volonté que celle de « maîtriser les flux ». L’élu de gauche soupçonne en effet Édouard Philippe de courtiser l’électorat nostalgique de l’Algérie française.
S’il dénonce l’accord de 1968, c’est « pour pointer du doigt une population particulière pour flatter une population qui se remémore un temps disparu avec mélancolie », lâche Philippe Brun à propos de l’ancien Premier ministre.
Plus explicite, il estime qu’Edouard Philippe, en remettant en question l’accord, laisse à penser qu’il serait lui-même « un nostalgique de l’Algérie française ».
« La manière dont il formule les choses n’a aucun sens d’un point de vue juridique », et « charrie quelques relents » visant spécifiquement les Algériens, « rappelant les sombres heures de la guerre d’Algérie », analyse Philippe Brun.
Celui-ci estime que si les Algériens demeurent attachés à l’accord 1968 ce n’est pas à cause des prétendus avantages qu’il « inscrit la relation particulière entre nos deux pays ».
« On ne vit pas ensemble pendant cent trente-deux ans sans conséquences anodines », indique-t-il, soulignant que 25 % des médecins étrangers en France sont algériens et 9 millions de Français sont liés d’une manière ou d’une autre à l’Algérie.
« Il y a une communauté humaine liée, presque intime, et riche aussi. Renoncer à cet accord, c’est renoncer à cette richesse », conclut le député de gauche.