Normalisation ou pas, les étrangers et les Français d’origine étrangère demeurent dans le viseur de l’extrême-droite, plus que jamais aux portes du pouvoir en France.
Les représentants du Rassemblement national (RN) bafouillent, se démentent mutuellement et multiplient les lapsus, mais restent d’accord sur le fond, soit une politique plus dure vis-à-vis de l’immigration et de ceux qui en sont issus, particulièrement maghrébine et musulmane.
C’est l’identité du parti fondé par Jean-Marie le Pen et y renoncer ne serait pas de la "dédiabolisation" mais un reniement.
Le RN, fondé par Jean-Marie Le Pen il y a un demi-siècle et désormais dirigé par Jordan Bardella, pourrait remporter les élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochains, convoquées par le président Emmanuel Macron à la suite de la victoire du même parti aux européennes du 9 juin.
Sentant le piège tendu par le cercle présidentiel, Jordan Bardella l’a dit clairement : il n’acceptera de diriger le gouvernement qu’en cas de majorité absolue du RN, seule voie qui lui permettra d’appliquer son programme comme il l’entend.
Pour cela, le RN tente de ratisser large, dans le double objectif d’atténuer les craintes qui l’entourent depuis sa création et d’obtenir des votes supplémentaires chez les plus modérés.
Jordan Bardella a tenté de lever les équivoques en rassurant les Français d’origine étrangère qui "paient leurs impôts et respectent la loi« qu’ils n’auront »rien à craindre". C’était sur le plateau de BFMTV le 14 juin, 5 jours après la victoire de son parti aux européennes et la dissolution de l’assemblée.
"Nos compatriotes de nationalité ou d’origine étrangère qui sont présents sur notre territoire, respectent notre pays et travaillent n’ont aucune raison d’être priés de partir », a confirmé de son côté Marine Le Pen.
La petite phrase « Français d’origine étrangère » prononcée par Bardella renvoie à l’ADN de ce parti sur ce qui est appelé les Français de souche, et ceux issus de l’immigration.
France : l’immigration et les étrangers demeurent l’obsession de l’extrême-droite
Si l’ancienne patronne du RN et son successeur se sont sentis obligés de faire une telle précision, à priori inutile pour un parti qui se veut "républicain", c’est à cause du passif du RN sur cette question de l’immigration et des étrangers.
Le parti d’extrême-droite a toujours prôné la tolérance zéro pour l’immigration clandestine, la réduction drastique de l’immigration légale, l’accélération et la facilitation des expulsions, la remise en cause de certains droits sociaux comme l’accès aux soins pour les étrangers même en situation régulière, la suppression du droit du sol, la remise en cause de la double nationalité, la révocation de l’accord franco-algérien sur l’immigration de 1968… Le tout dans une rhétorique xénophobe, islamophobe, provocatrice et alarmiste.
C’est le programme du Rassemblement national et sur la plupart de ces engagements, le parti n’a pas reculé malgré les efforts de ses deux chefs pour le présenter sous un jour nouveau.
Le RN a été tellement pris de court par la convocation d’élections législatives par le président Macron que ses dirigeants n’ont pas eu le temps d’accorder leurs violons sur ces questions précises avant de partir en campagne.
Sur la double nationalité, le vice-président du parti d’extrême-droite s’est donné en spectacle en étalant son ignorance de l’évolution de la position du parti sur la question. Sur le plateau de C8, Sébastien Chenu a fait une plaidoirie pour la suppression de la double nationalité, sauf pour les Français d’origine européenne, expliquant qu’ "on ne peut pas être français pour certaines choses et uruguayen pour d’autres".
Des lapsus révélateurs
Il ignorait que Marine Le Pen avait abandonné l’idée il y a très longtemps, en 2017 précisément. "Mea culpa…erreur corrigée", a-t-il écrit sur les réseaux sociaux. Mais le lapsus en dit long sur le vrai visage du RN, celui qu’il dévoilera une fois tous les pouvoirs entre ses mains.
L’immigration et les étrangers constituent le marqueur qui distingue le RN et l’extrême-droite du reste de la classe politique française. Au fil des décennies, ces thèmes sont comme devenus la raison d’être de ce courant.
Les lapsus et contradictions publiques sur ces questions traduisent toute la difficulté du RN à faire véritablement sa mue et à cacher sa véritable nature. Si ses dirigeants peinent à parler d’une même voix pendant une campagne électorale, il leur est encore plus difficile de se mettre sur la même longueur d’onde avec les figures des autres composantes du courant extrémiste. L’immigration et les étrangers sont la cause commune de ce courant qui ne semble pas prêt d’y renoncer.
