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Immigration : la France reste ferme sur ses choix

Tandis que le président français Emmanuel Macron était présent il y a quelques jours à Rome pour un mini-sommet traitant du défi migratoire auquel est confrontée l’Union européenne, son Premier ministre Edouard Philippe recevait la même semaine à l’Élysée le monde associatif pour présenter le texte baptisé « Asile et immigration ». Un projet de loi qui n’a pas manqué de diviser dans la sphère publique, le gouvernement semblant avancer sur un terrain miné.

Le principe d’humanité passé à la trappe

Jean-Marie Gustave Le Clézio, prix Nobel de littérature, s’est fendu d’une saillie, voyant dans les agissements de l’État « un déni d’humanité insupportable. » La position de l’écrivain est commune aux autres opposants à cette politique migratoire, jugée par certains plus dure que celle du temps de Nicolas Sarkozy.

Selon eux, Macron oublierait que derrière des numéros de dossiers se cachent des hommes, des femmes et des enfants tous (ou presque) porteurs d’une histoire terrible. En dépit de ces attaques, le gouvernement semble pourtant avoir fait fi de ces critiques, ou alors est-ce tout comme.

Ses choix en matière d’asile et d’immigration ne plieront pas sous l’effet des reproches. Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur qui porte ce projet de loi, s’est montré, on ne peut plus clair sur la volonté qu’a l’Élysée de garder le cap. Il n’est « pas question de changer d’orientation », a-t-il annoncé dans un entretien accordé à nos confrères du Parisien.

Le texte prévoit de raccourcir les délais de demande d’asile, passant de 90 jours au lieu de 120. Et dans le cas où sa demande serait déboutée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le demandeur disposera de 15 jours au lieu d’un mois pour déposer un recours. Bref, tout cela donnerait l’impression que la France inciterait les réfugiés à voir ailleurs.

Mais au mot « fermeté », le ministre préfère celui « d’équilibré » quand il s’agit d’évoquer ce projet. « Cette année, 100 000 personnes ont déposé une demande d’asile, 85 000 n’ont pas été admises aux frontières. Il est impossible d’accueillir dignement 185 000 personnes par an », indique-t-il, justifiant que l’idéologie humaniste doit se concilier avec pragmatisme. Sur la circulaire prévoyant un « tri des migrants » – pour reprendre l’expression de JMG Le Clézio – Gérard Collomb se défend de vouloir instaurer un accueil à la carte : « Il n’y a là rien que le respect des règles de la République. L’accueil inconditionnel, oui. Mais pas indifférencié. »

Encore plus de surveillance… et plus d’expulsés

Parmi les mesures contestées, la plus discutée concerne l’allongement de la retenue administrative. Prévue d’être doublée, elle passerait ainsi de 45 à 90 jours, sans compter que les autorités disposeraient dorénavant de 24 heures (contre les 16 actuelles) pour vérifier le droit au séjour. Sur ce point, le ministre assure « ouvrir 200 places d’ici à la fin du mois de janvier et 200 autres en 2018 ».

Pour mener à bien cette proposition, le pays envisage de se doter de nouveaux centres liant hébergement et examen administratif (CAES). Le gouvernement compte également augmenter le nombre d’expulsions sans donner de chiffres exacts.

En 2017, le nombre de « dublinés » * rejeté hors du sol français a été augmenté de 100 %. Pour le ministre, il en irait de la stabilité du pays. « Si tous se disent qu’ils peuvent venir faire une seconde demande d’asile en France et que nous ne pouvons pas les éloigner dans des durées brèves, nous serons impuissants. »

Faut-il toutefois reconnaître que dans ce texte, tout n’est pas propice à polémique. Au-delà de la réduction du traitement des demandes « dans un délai moyen de six mois », le texte prévoit également « un allongement de quatre ans de certaines cartes de séjour, la facilitation de l’accès à la carte de résident de dix ans pour les parents d’un réfugié mineur, l’extension de la réunification familiale aux frères et sœurs d’un réfugié mineur, des dispositions protectrices sur le droit au séjour des victimes de violences conjugales ainsi que pour les jeunes filles qui pourraient être menacées d’excision. »

Mais difficile d’effacer l’image d’une politique cataloguée de « fasciste » par les anti- Macron face aux évocations des violences policières dont sont victimes les réfugiés. Cela a été le cas dans la jungle de Calais – aujourd’hui démantelée.

À l’époque, un rapport de Human Rights Watch a indiqué que « les policiers à Calais, en particulier les Compagnies républicaines de sécurité (CRS), font un usage courant de gaz poivre sur des migrants, enfants et adultes, alors qu’ils sont endormis, ou dans d’autres situations où ils ne présentent aucune menace ; qu’ils aspergent de ce gaz ou confisquent des sacs de couchage, des couvertures et des vêtements ; et que parfois, ils pulvérisent du gaz sur la nourriture et l’eau des migrants. Les policiers perturbent également la délivrance d’assistance humanitaire. » De quoi discréditer l’humanisme du gouvernement ? « Il a pu y avoir quelques dérapages individuels, mais ils sont suivis de sanctions internes », a avancé Gérard Collomb.

* « Dubliné » : exilé qui demande l’asile en France et se voit opposer le règlement Dublin, qui l’oblige à déposer son dossier dans le premier pays européen où il est entré.

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