Le gouvernement espagnol a pris ce mercredi des mesures visant à accueillir plus de migrants. L’Espagne a cette particularité de ne pas céder aux tendances du moment chez les autres gouvernements européens.
Sur la question palestinienne, le gouvernement de Madrid a été l’un des premiers en Occident à appeler à un cessez-le-feu à Gaza et à la mise en œuvre de la solution à deux États. Il a même reconnu l’État palestinien.
Il est en train aussi de se démarquer sur la question de l’immigration du reste du Vieux continent où le mot d’ordre est depuis quelques années à la fermeture hermétique.
Ce mercredi 9 octobre, le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez a annoncé une batterie de mesures visant à faciliter l’installation des nouveaux immigrants dans le pays. Une hérésie dans une Europe où les gouvernements rivalisent de mesures contraires visant à juguler les flux migratoires.
Avant un sommet de l’Union européenne prévu la semaine prochaine, 17 États membres ont appelé la Commission européenne à durcir les règles sur le retour des migrants irréguliers dans leur pays d’origine.
Plusieurs pays ont déjà pris des mesures drastiques contre l’immigration, La Hongrie, la Slovaquie et surtout l’Allemagne ont annoncé la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen, reculant ainsi sur un énorme acquis pour les citoyens des pays de cet espace.
Immigration en Europe : la réplique indirecte de Pedro Sánchez à Bruno Retailleau
En France, un nouveau gouvernement a été nommé le 21 septembre dernier et l’une des priorités est de lutter contre l’immigration.
Le gouvernement italien d’extrême-droite envisage de créer des centres de rétention en Albanie voisine pour les migrants sauvés en mer. Le Royaume-Uni avait tenté de faire de même au lointain Rwanda.
Certains pays européens sont dirigés par des partis d’extrême-droite et d’autres par des coalitions comptant ce courant. Dans le reste de l’Europe, les gouvernements des courants traditionnels agissent contre l’immigration sous la pression de la montée dans les urnes des partis populistes et extrémistes. C’est le cas par exemple de la France.
« L’immigration n’est pas une chance pour la France », répète Bruno Retailleau depuis sa nomination comme ministre de l’Intérieur dans le gouvernement français, le 21 septembre. Une phrase qui a choqué en France où des personnalités issues de l’immigration ont exprimé leur indignation.
Les propos de Pedro Sánchez semblent sonner comme une réplique. « L’immigration n’est pas seulement une question d’humanisme (…), elle est également nécessaire à la prospérité de notre économie et à la pérennité de l’État-providence », a défendu Sánchez ses nouvelles mesures ce mercredi devant le Parlement espagnol.
Il suffit juste de « bien la gérer », a-t-il précisé.
Immigration : l’Espagne fait entendre un autre son de cloche en Europe
Sánchez a annoncé une série de mesures, parmi lesquelles la reconnaissance des qualifications académiques des travailleurs temporaires, la simplification des contrats de travail et la réduction des formalités administratives pour les demandes de résidence.
Les observateurs estiment que c’est en partie grâce à l’apport des migrants, notamment d’Amérique latine, qui ont comblé les pénuries de main-d’œuvre dans les secteurs de la technologie et de l’hôtellerie, que l’économie espagnole connaît la croissance la plus rapide de l’Union européenne.
Même les moins qualifiés ont été d’un grand secours au pays. Les migrants peu qualifiés aident également l’économie, en occupant des « emplois invisibles » et « sans eux, des secteurs comme la construction, l’agriculture et l’hôtellerie s’effondreraient », a reconnu le président du gouvernement espagnol.
Pourtant, l’Espagne fait face aussi à la montée, dans une moindre proportion certes, de l’extrême-droite et du sentiment anti-immigrés dans la société. Des sondages réalisés par le journal EL PAÍS ont montré que 57 % des Espagnols trouvent qu’il y a « trop d’immigrés » dans le pays et que plus de 15 % des sondés apportent leur soutien à l’extrême-droite.
Comme dans le reste de l’Europe, ce courant joue sur les « peurs » et soutient que les migrants prennent la place des Espagnols et profitent de la générosité du pays. Le leader d’extrême-droite Santiago Abascal souligne dans ses discours que l’immigration provoque « une augmentation des crimes violents et met à rude épreuve les services sociaux ».
« Ils nous disent qu’il y a un besoin de main d’œuvre immigrée, mais ils nous cachent que les jeunes travailleurs espagnols doivent souvent quitter l’Espagne pour joindre les deux bouts », a réagi Abascal au projet de Sánchez.
Mais plutôt que de céder à ce courant, le gouvernement de Pedro Sánchez a opté pour le pragmatisme économique.
Le dilemme de la lutte contre l’immigration tout en maintenant le rythme de l’activité économique se pose à tous les gouvernements des grands pays d’Europe à la population vieillissante.
En Italie, élue en 2022 sur la promesse de juguler l’immigration, Giorgia Meloni a annoncé en décembre dernier l’ouverture de 450.000 titres de séjours sur trois ans.
En France, Patrick Martin, le président du Medef, la principale organisation patronale du pays, a expliqué en décembre dernier pendant les débats sur la loi immigration que l’économie française devra recourir à terme à l’immigration massive pour continuer à fonctionner.
« Ce ne sont pas les patrons qui demandent massivement de l’immigration, c’est l’économie », a-t-il dit, précisant que « d’ici 2050, nous aurions besoin, sauf à réinventer notre modèle social, sauf à réinventer notre modèle économique, de 3,9 millions de salariés étrangers ».
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