L’Algérie multiplie les mesures pour réduire les importations.
La dernière en date qui a été prise par le ministère du Commerce le 24 avril dernier suscite des critiques de la part de deux économistes.
Le département de Kamel Rezig a imposé aux importateurs de matières premières, de produits et de marchandises destinées à la revente en l’état, la présentation d’un document attestant de l’indisponibilité sur le marché national des produits à importer.
Ce document est délivré par les services d’Algex (Agence algérienne de promotion du commerce extérieur) et est joint au dossier de demande de domiciliation bancaire, afin de parachever les procédures d’importation.
Cette mesure a mis en difficulté certaines filières à l’instar de l’industrie pharmaceutique dont le premier responsable a été le premier à annoncer la dispense des importateurs des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux de l’obligation de présenter le document.
Dans la foulée, le ministère de l’Agriculture a également annoncé que les « produits agricoles d’origine végétale et animale (semences, plantes, produits sanitaires végétaux à usage agricole, matériel d’irrigation et les animaux vivants y compris l’aliment de bétail, des médicaments et produits vétérinaires) destinés à la revente en l’état, aux agriculteurs et aux éleveurs » sont dispensés.
Dans l’industrie, cette mesure a causé des dégâts, et un opérateur dans le domaine des boissons de Bejaïa a dû mettre plus de 300 salariés au chômage technique à cause de la rupture d’un produit désinfectant destiné aux équipements.
Absence de concertation
« Je pense que ces mesures sont incohérentes et même contre-productives étant donné qu’elles ne sont pas suffisamment étudiées et concertées avec des organisations professionnelles », pointe l’économiste Mohamed Achir, contacté par TSA.
« D’ailleurs on remarque ce rétropédalage par rapport à certains secteurs très sensibles comme les médicaments et l’agriculture. Ces mesures peuvent pousser un nombre d’entreprises à abandonner carrément », ajoute-t-il.
L’économiste estime qu’il faut donner « un temps nécessaire » aux opérateurs économiques pour se préparer et s’adapter aux nouvelles mesures.
« Et encore, le ministère du Commerce doit s’assurer de la disponibilité des produits fabriqués localement en quantité suffisante et en qualité requise. Il ne doit pas confondre la régulation avec une gestion administrative restreinte », affirme M. Achir.
Le professeur Brahim Guendouzi est lui aussi d’avis qu’« il y a une absence de concertation » et ce, alors qu’il y a des organisations professionnelles, dont la Chambre de commerce, qui regroupe les opérateurs privés.
« Il y a aussi l’association des producteurs de boissons et pas mal d’autres associations professionnelles. Elles auraient pu être associées pour affiner une politique. Cette mesure est intéressante dans son essence mais dans son application elle pose problème », explique-t-il.
« Il n’y a pas une maîtrise des besoins de l’économie nationale »
M. Guendouzi part du constat que l’idée de départ est louable.
« Il me semble qu’il y avait une volonté dès le départ de substituer les importations avec la production nationale (…) Cela pouvait être correct, à savoir protéger la production nationale. Mais il n’y a pas eu une connaissance fine des produits fabriqués localement, et il n’y a pas une maîtrise des besoins de l’économie nationale et de façon générale, il y a certains produits stratégiques pour lesquels on ne peut pas appliquer cette mesure, dont les médicaments et les intrants agricoles. C’est une mesure administrative qui peut constituer en quelque sorte un frein pour l’importation », analyse-t-il.