Les premières arrestations sont effectuées après les incendies meurtriers qui ont dévasté cette semaine des régions entières de l’est et du centre de l’Algérie.
L’éventuelle condamnation des pyromanes ne devra toutefois pas faire oublier qu’il y a une autre part du travail qui reste à accomplir, notamment au niveau de la prévention et de l’acquisition de moyens et de techniques efficaces de lutte contre les feux de forêt.
Outre les milliers d’hectares de couvert végétal partis en fumée, les derniers incendies ont surtout causé une véritable hécatombe humaine. Une quarantaine de morts, dont la plupart dans la région de Toudja, à Béjaïa. Dans cette zones, dix militaires ont trouvé la mort pendant l’opération d’évacuation de leur campement, encerclé par les flammes au milieu de la nuit.
Les scènes vécues par la population sont insoutenables. Des familles ont été décimées, des femmes et des enfants sont morts.
Au total, 97 incendies quasi simultanés ont été répertoriés par les services de la protection civile dans la nuit de dimanche 23 à lundi 24 juillet dans 11 wilayas du pays. Les wilayas les plus touchées sont celles de Béjaïa, Jijel, Bouira et Skikda.
Avant même que les sapeurs-pompiers ne viennent totalement à bout des flammes, la justice a ordonné l’ouverture d’enquêtes. Les parquets de Bejaia et de Jijel ont indiqué que dans le cas où l’origine intentionnelle des départs de feu serait établie, les dossiers seraient transférés à la section antiterroriste du tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, conformément à la procédure en vigueur.
Et c’est ce qui a été fait. Les investigations des services de sécurité ont permis l’arrestation de présumés pyromanes à Béjaïa, Bouira et Skikda. Au total, 12 suspects ont été présentés devant la section antiterroriste de Sidi M’hamed qui a ordonné leur incarcération, annonce cette juridiction dans un communiqué rendu public ce jeudi 27 juillet. Les dossiers ont été transférés des tribunaux d’Amizour et Akbou (Béjaïa), Lakhdaria (Bouira), El Harrouch, Collo et Tamalous (Skikda).
Il appartient maintenant à la justice d’établir la responsabilité exacte des suspects et de prononcer ses sentences conformément à la loi et suivant ce qu’elle aura collecté comme preuves à charge ou à décharge.
Incendies en Algérie : c’est aussi une affaire de sensibilisation et de moyens de lutte
Il n’est pas exclu en effet qu’une partie des nombreux incendies qui ont embrasé le pays soit l’œuvre de pyromanes qui ont agi intentionnellement, mais il est presque certain qu’une autre partie est due à d’autres facteurs naturels ou humains, comme les très fortes chaleurs, la négligence, le manque de moyens, le non-respect des règles de prudence, le manque de défrichement des abords des habitations et des agglomérations…
Comme quoi, la sévérité et la célérité de la justice risquent de ne pas suffire et de ne pas mettre le pays à l’abri de catastrophes similaires, cette année ou celles à venir, si des mesures ne sont pas prises pour combler les lacunes.
Le changement climatique est une réalité que l’Algérie doit désormais prendre en compte dans tout ce qu’elle entreprend.
L’une des conséquences directes du réchauffement du climat est justement ces incendies de grande ampleur à répétition.
En 2021, l’Algérie avait déjà connu une hécatombe avec de nombreux morts dans des incendies en Kabylie. Dans tout le pourtour méditerranéen, les feux gigantesques et dévastateurs sont au rendez-vous chaque été depuis maintenant quelques années. Ces jours-ci, c’est la Grèce et ses îles qui vivent l’enfer.
Loin d’être une fatalité, ces catastrophes peuvent être évitées ou tout au moins voir leur ampleur, leurs récurrence et leur impact limités. Pour cela, l’État et les autorités locales sont appelés à investir plus dans la sensibilisation, la prévention et la dissuasion, généraliser et rendre obligatoire le défrichement et l’ouverture de pistes, lutter plus efficacement contre les comportements irresponsables, comme les barbecues en forêt en pleine canicule, ou les activités illégales de fabrication de charbon de bois. La main lourde de la justice doit frapper à chacune de ces défaillances et pas seulement après la catastrophe et un lourd bilan en pertes humaines.
Il est aussi attendu de l’Etat d’adapter les plans Orsec à la nouvelle réalité et à renforcer les services de la Protection civile en moyens humains et matériels nécessaires pour faire face efficacement à ce genre de situation.
Parmi les manquements signalés par l’Assemblée populaire (APW) de la wilaya de Béjaïa, figure justement “l’insuffisance des moyens alloués” pour la lutte contre les incendies. Il est grand temps que l’Etat mette le paquet pour acquérir en nombre suffisant ces fameux moyens aériens de lutte contre le feu.
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