La petite colline qui surplombe la Méditerranée avait du mal à contenir tant de monde. Vendredi, on est venu de partout assister à l’enterrement des victimes des incendies qui ont ravagé la région de Toudja, dans la wilaya de Béjaïa, et endeuillé l’Algérie.

C’est vers midi que le cortège de véhicules blancs est arrivé au cimetière du village Aït Oussalah. Les corps des victimes ont été acheminés de l’hôpital de Béjaïa par une dizaine d’ambulances qui peinent à se frayer un chemin sur le sentier bondé de monde.

Ce village, qui enterre ses enfants dans la douleur et la dignité, a vécu l’enfer quatre jours plus tôt. Dans la nuit de dimanche à lundi, ses habitants ont été réveillés par les flammes au milieu de la nuit. Entre 3h et 4h du matin. Mais pour beaucoup d’entre eux, il était trop tard pour fuir. Tout le hameau était encerclé par les flammes. Dans la fuite désordonnée, il y a eu des morts. Beaucoup de morts.

Une femme venue d’Alger passer quelques jours de repos dans la région n’a pas écouté ceux qui lui conseillaient de rester sur place. Elle a été prise au piège alors qu’elle tentait de briser la ceinture de feu en voiture. Elle est morte calcinée avec ses deux enfants.

D’autres, parmi ceux qui ont préféré ne pas prendre de risque et ont attendu dans leur maison que passe l’enfer, n’ont pas eu plus de chance. La mort a frappé sans distinction entre ceux qui fuyaient et ceux qui sont restés, entre femmes et hommes, enfants et adultes, civils et militaires. Aux premières lueurs de l’aube, les survivants ont découvert l’ampleur du malheur qui venait de les frapper.

Seize personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, ont perdu la vie après d’atroces souffrances. Des familles entières ont été décimées. Certaines des victimes étaient juste de passage dans le village pour des vacances.

Incendies en Algérie : douleur et dignité à Toudja

Non loin de là, un détachement de l’armée était aussi pris au piège par les flammes. Le campement a été évacué, mais dix militaires n’ont pas pu être sauvés.

De nombreuses régions du Centre et de l’Est du pays ont vécu des moments d’enfer pendant la même journée. Selon les services de la protection civile, près d’une centaine de départs de feu ont été enregistrés dans la nuit de dimanche à lundi à travers 11 wilayas d’Algérie.

Les incendies ont été tous éteints après d’intenses efforts des sapeurs-pompiers et de la population, mais le bilan humain est très lourd : au moins une quarantaine de morts, selon un bilan officiel du ministère de l’Intérieur.

Mais c’est à Toudja et Beni Ksila, dans la wilaya de Béjaïa, que les flammes ont emporté le plus de vies. Vingt-huit précisément.

Neuf des victimes d’Aït Oussalah ont été enterrées vendredi en présence d’une foule nombreuse venue des quatre coins de la wilaya et des autorités locales. Les autres ont été enterrés dans leurs localités respectives, comme ces trois membres d’une même famille enterrés dans un village de Béni Douala, du côté de Tizi Ouzou.

L’émotion était à son comble au cimetière d’Aït Oussalah. Les images des pères en larmes s’accrochant aux cercueils de leurs enfants sont insoutenables. Les témoignages de ceux qui ont survécu à l’enfer sont aussi déchirants. Comme cette vieille à qui il ne reste plus rien et qui pleure sept de ses proches.

Au cimetière d’Aït Oussalah, le village martyr, la douleur se mêlait à l’incompréhension sur les visages des survivants et des proches des victimes. Mais tous, malgré l’indicible douleur, sont restés dignes.

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