Le PDG d’Alliance Assurances Hassen Khelifati aborde dans cet entretien l’importance des assurances en cas d’incendies ou de catastrophes naturelles.
Les incendies qui ont ravagé les forêts et villages du pays notamment en Kabylie, relancent le débat sur la question de l’assurance contre les incendies et les catastrophes.
Des incendies d’une ampleur inédite ont ravagé nos forêts ces derniers jours. En Kabylie, notamment à Tizi-Ouzou, des villages ont été durement touchés. Des maisons ont été gravement brûlées, ce qui pose le problème de leur réparation et relance le débat sur l’assurance contre les catastrophes. Assurer leurs biens, c’est la leçon que les Algériens doivent tirer de ces incendies ?
Tout d’abord, je tiens à m’incliner à la mémoire des victimes des incendies et je regrette les dégâts qui ont été engendrés par ces sinistres exceptionnels par leur étendue et leur propagation dans un laps de temps très réduit. Ensuite, peu d’Algériens aujourd’hui sont assurés contre les incendies, d’abord par culture.
Heureusement, l’Etat est présent pour déployer tous les moyens financiers, comme c’est toujours le cas dans les situations de catastrophes (incendies, inondations, séisme).
L’Etat algérien a toujours été présent aux côtés de la population, pour atténuer l’effet de ces situations catastrophiques. Malheureusement, encore une fois, un très grand nombre d’Algériens ne sont pas assurés ni contre les incendies, ni contre les catastrophes naturelles.
L’Etat a confirmé à travers le président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur et toutes les autorités habilitées, qu’il se tient aux côtés des sinistrés.
Néanmoins, il faut tirer les leçons pour l’avenir. Nous sommes face à des événements récurrents. Aujourd’hui ce sont les incendies, demain peut-être les inondations, il faut sortir de cette situation où l’Etat est toujours sollicité en termes de budgets surtout par ces temps qui courent.
Il y a lieu peut-être de trouver de nouveaux mécanismes pour faire face, en faisant participer toutes les parties concernées : entreprises, citoyens, autorités publiques.
“De tout temps, l’État a été au chevet des citoyens”
Beaucoup d’appartement et de maisons ne sont pas assurés contre les catastrophes naturelles (cat-nat). Pourquoi à votre avis ?
Comme je viens de le dire, il y a cette question de culture. Aussi les assureurs n’ont peut-être pas trouvé les mécanismes pour promouvoir ce genre de produits et d’attirer les clients à l’effet de souscrire ce genre de contrats.
Il y a également l’aspect lié à ce sentiment d’Etat protecteur et proche de ses citoyens, qui fait que quelle que soit la situation comme dans le cas d’une catastrophe, l’Etat ne va pas laisser tomber la population.
De tout temps, l’État a été au chevet des citoyens quand surviennent des problèmes de ce genre. Je pense qu’avec le temps, l’Etat ne peut plus continuer à supporter ces missions coûteuses et peu économiques.
On doit changer d’approche pour tout le monde, en rendant les assurances obligatoires pour certains cas, et ne pas octroyer d’indemnité en cas de non-assurance.
En cas de catastrophes, ce sont les assureurs à travers la mécanique d’indemnisation connue et reconnue, qui vont intervenir et ainsi soulager l’Etat qui lui va s’occuper des populations dans ses missions régaliennes.
“Un appartement peut-être assuré en tous risques à 3.000 DA”
Quel est le taux de pénétration de l’assurance cat-nat en Algérie ?
Je dois préciser un point. La cat-nat est un type d’assurance qui concerne les catastrophes naturelles surtout les tremblements de terre. L’incendie c’est autre chose. Il n’est pas considéré comme une catastrophe naturelle.
Les catastrophes naturelles sont davantage les inondations, les glissements de terrain ou les tremblements de terre.
Il est vrai que le taux de pénétration est aujourd’hui très faible, l’assurance habitation représentant moins de 10 % du parc national.
L’assurance cat-nat est également à moins de 10 % et même sur ces dix pour cents qui sont assurés, ils sont pour la plupart par obligation ; soit pour louer une maison ou dans le cas des entreprises pour déposer un bilan.
Rares sont les citoyens qui prennent l’initiative d’eux-mêmes de s’assurer eux ou leurs maisons contre les catastrophes naturelles. Ce qui est important à dire est que l’assurance habitation multirisques qui couvre le vol, l’incendie, le bris de glace, est de moins de 10 DA par jour, soit même pas le prix d’un café.
Un appartement peut être assuré tous risques à 3.000 DA par an. La cat-nat ne dépasse pas 4.000- 5.000 DA par appartement. L’assurance n’est pas chère, mais elle peut rendre beaucoup de services.
Avec les incidents de ces derniers jours, on voit l’importance de s’assurer. Si un citoyen touché avait été assuré, il aurait été indemnisé correctement par ses assureurs.
Une question sur les voitures qui ont été touchées dans les incendies, notamment en Kabylie où l’on a enregistré d’importants dégâts matériels parce que les flammes ont atteint les villages. Leurs propriétaires seront-ils remboursés ?
Sauf ceux qui sont couverts par l’assurance tous risques avec vol et incendies ; les autres types de garanties ne couvrent pas ce genre de risques.
Quelles sont les pistes de réflexion qui sont aujourd’hui proposées pour encourager la culture de l’assurance ?
Nous, assureurs, avec les autorités publiques, nous pensons pouvoir trouver des mécanismes pour rendre l’assurance obligatoire pour certains risques.
Nous avons l’exemple américain où dans certains Etats les autorités subventionnent une partie de l’assurance pour encourager les citoyens à souscrire un contrat d’assurance.
Mais en cas de catastrophe, ce sont les mécanismes économiques des assureurs qui vont intervenir pour indemniser.
L’Etat garde ses capacités financières pour assister les populations notamment pour la reconstruction des écoles et des hôpitaux touchés.
Je pense qu’il y a un travail à faire pour mettre en place des mécanismes d’obligation et de subvention, qui arrangent tout le monde et qui vont créer une nouvelle dynamique sur le marché.
Il demeure entendu que la culture de l’assurance ne peut venir que de mécanismes et des engagements clairs de la part des assureurs et de l’Etat.
Des dossiers techniques sont déjà présents chez les assureurs. Il suffit qu’il y ait une décision politique pour explorer ces pistes.
Les assureurs en général et sans discrimination publics et privés, à travers l’UAR (Union algérienne d’assurance et de réassurance), peuvent proposer rapidement des solutions pour être un accompagnateur de l’Etat dans le futur.