Politique

Informel : à quoi joue le gouvernement ?

La Banque d’Algérie a annoncé, samedi 25 novembre, par la voie de son Directeur du Crédit et de la Régulation bancaire Mohamed Lahbib Koubi, que le taux d’épargne nationale en circulation en dehors des banques est estimé à 31% de la masse monétaire.

Alors que le gouverneur de la Banque d’Algérie Mohamed Loukal avait indiqué en février dernier que la masse monétaire avait atteint 14 574 milliards de dinars au 31 décembre 2017, un taux de 31% placerait ainsi plus de 4500 milliards de dinars dans le circuit informel.

Une part « très élevée » selon M. Koubi, qui estime que dans « dans un contexte caractérisé par un défaut de ressources bancaires conventionnelles, la collecte des ressources via la diversification et l’adaptation des produits d’épargne et de financement afin de répondre aux attentes de l’ensemble des opérateurs et citoyens, s’avère une nécessité impérieuse pour l’économie nationale ».

Le chiffre astronomique apporté par la Banque d’Algérie éclipse ainsi celui présenté en septembre 2017 par le Premier ministre Ahmed Ouyahia, qui a estimé devant les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN) à 1700 milliards la part de l’informel. Un montant déjà énorme qui fait cependant pâle figure face au chiffre annoncé par la Banque d’Algérie, presque trois fois supérieur.

L’importance du chiffre présenté par Ahmed Ouyahia ne semblait toutefois par déphaser le Premier ministre. « Beaucoup a été dit sur l’argent de l’informel. Certains l’ont présenté comme un trésor qui va régler tous les problèmes si on le récupère », estimait-il. « C’est insuffisant pour régler nos problèmes », avait-il tranché, indiquant clairement une absence de volonté de l’État de se lancer dans une quête pour faire intégrer le marché informel dans l’économie réelle.

L’année ayant suivi les déclarations d’Ouyahia a confirmé l’immobilisme du gouvernement, qui n’a entrepris aucune mesure ou début de mesure pour se confronter à ce problème. Une situation qui n’est pas appelée à changer, malgré l’interpellation publique de la Banque d’Algérie, principale institution financière du pays.

Pourtant, dans un contexte de crise économique aiguë, l’intégration des 1700 ou 4500 milliards ne doivent pas être considérés comme une somme d’argent à bancariser sans prendre en considération les autres avantages d’intégrer l’économie informelle dans le circuit formel.

En effet, l’économie informelle représenterait 45% du Produit intérieur brut (PIB) de l’Algérie, et emploierait près de 4 millions de personnes en 2012, selon les chiffres de l’Office national des statistiques (ONS). Ce minimum de 4 millions de personnes non déclarées, chiffre certainement plus élevé depuis le début de la crise pétrolière, représente potentiellement des milliards de dollars d’impôts non recouvrés chaque année, engendrant des pertes énormes pour les caisses de l’État dont le pétrole représente la ressource quasi-exclusive.

Régler le problème de l’économie informelle ne fait pas office de solution miracle, mais permettrait au minimum d’offrir un début de solution et d’effectuer un pas dans la bonne direction. Ce n’est cependant pas le gouvernement actuel, myope et démotivé devant la perspective d’effectuer le moindre effort, qui pourrait mener l’Algérie à redresser la barre du navire qui commence à tanguer sérieusement.

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