Le Maroc a officiellement réagi à la proposition de l’Algérie de tenir dans les plus brefs délais une session des ministres des Affaires étrangères des pays de l’UMA.
Rabat n’y voit pas d’inconvénient à la réactivation de l’Union maghrébine que d’aucuns croyaient morte et enterrée, mais se désole de ne pas recevoir de réponse formelle à son offre de dialogue « direct » avec le voisin de l’Est pour régler définitivement les nombreux dossiers en suspens entre les deux pays, dont l’épineuse question de la réouverture des frontières terrestres.
« La demande algérienne est sans rapport avec l’initiative Royale. Celle-ci est purement bilatérale, alors que la démarche algérienne s’inscrit dans le cadre de la relance de la construction régionale », a affirmé le ministère marocain des Affaires étrangères dans un communiqué, publié hier lundi. « Le Maroc ne peut que douter que cette 35e réunion ministérielle puisse parvenir à des résultats tangibles, différents des 34 précédentes », ajoute le texte.
Si le royaume exprime clairement ses doutes, l’Algérie aussi nourrit les siens même si sa diplomatie n’a toujours pas commenté officiellement ce qu’elle considère comme un « non-événement ».
Déjà que l’offre de dialogue lancée par le roi en personne le jour même de l’anniversaire de l’occupation du Sahara occidental était frappée du sceau de la suspicion, cette insistance à arracher à Alger un positionnement clair vis-à-vis de l’initiative ne peut que renforcer les doutes sur les visées réelles de la partie marocaine. Comme par exemple préparer un argumentaire solide pour imputer à l’Algérie la responsabilité de l’échec très probable des prochains pourparlers de Genève ?
« Oui, répond un diplomate algérien proche du dossier du Sahara et des relations algéro-marocaines. Cet empressement et cette fébrilité du ministre (marocain des AE) Bourita à obtenir une réponse officielle à un non-événement sont révélateurs de la portée purement tactique de cette fausse ouverture royale. »
Plus clairement, le diplomate explique qu’en fait, « l’initiative marocaine est motivée par une seule chose : imputer, par anticipation, à l’Algérie l’échec programmé par Rabat du processus de règlement du conflit du Sahara occidental tel qu’il va s’esquisser à la table ronde de Genève, les 5 et 6 décembre, sous la houlette de Horst Kohler et la vigilance américaine à travers le conseiller à la sécurité nationale John Bolton ».
Autre bonne raison pour Alger de se méfier de la proposition royale, les multiples voltefaces du Maroc à chaque fois qu’une disposition était affichée de part et d’autre pour ouvrir une nouvelle page.
« Le mécanisme politique de dialogue et de concertation auquel a appelé le roi n’est pas nouveau. Nos voisins devraient se rappeler qu’il a été institué à deux reprises. D’abord en 2003, trois commissions, politique, économique et consulaire, avaient été instituées et le point d’orgue de ce processus devait être la visite du chef du gouvernement algérien à Rabat en 2005. Mais la veille de cette visite, les Marocains ont décidé qu’elle n’était plus opportune. Ou encore plus récemment, en janvier 2012, à l’occasion de la visite à Alger du ministre des Affaires étrangères du Maroc, M. Al Othmani », rappelle la même source.
À Alger, le 24 janvier 2012, M. Al Othmani, tenait un discours mielleux qui laissait croire que les deux pays étaient engagés définitivement dans la voie de la normalisation de leurs relations : « L’Algérie et le Maroc ont convenu de poursuivre régulièrement leur concertation politique au niveau des ministres des Affaires étrangères des deux pays à raison de deux rencontres par année. (…) Ils ont décidé de mettre en place des commissions mixtes dans différents secteurs pour procéder à une évaluation régulière de leur coopération (…) L’instauration de ces relations bilatérales sectorielles vise à approfondir la coopération et à l’élargir au mieux des intérêts des deux pays et des deux peuples (…) Nous œuvrerons à ce que la coopération puisse toucher tous les secteurs sans exception ».
Deux mois plus tard, en mars, le ministre de la Communication du royaume, Mustapha El Khalfi, indiquait que sa présence à Alger entrait dans le cadre « d’une série de visites qui traduisent la volonté d’approfondir et de renforcer la coopération entre les deux peuples et les deux gouvernements », souhaitant que « cette visite soit une nouvelle naissance des relations médiatiques entre les deux pays ».
Inutile de rappeler que ces professions de foi ne se sont jamais traduites sur le terrain.
« Malheureusement, c’est toujours la partie marocaine qui est responsable de la mise à mort de ces initiatives à la première déconvenue essuyée sur la question du Sahara occidental », juge notre source.
Énième preuve du peu de crédibilité de l’offre du Maroc, les propos très peu diplomatiques tenus par son ministre des Affaires étrangères à peine quelques semaines après le discours royal.
« La fermeture des frontières avec l’Algérie est une honte. Je ne trouve pas d’autres mots. Ce n’est même pas un anachronisme, puisqu’il n’eut jamais de frontières imperméabilisées à ce point. Même pas du temps du colonialisme », déclare Nasser Bourita dans un entretien au journal français la Tribune ce mardi 27 novembre.
En fait, les autorités marocaines n’ont jamais souhaité dissocier la question sahraouie du dossier des relations avec l’Algérie. Cette volonté de « bilatéraliser » le conflit apparait d’ailleurs en filigrane dans la dernière initiative du roi et dans cette insistance de sa diplomatie à obtenir « une réponse officielle ».
Intervenant à l’approche d’un round de pourparlers directs entre les deux parties en conflit, le Maroc et le Front Polisario, et incluse sciemment dans un discours commémorant l’occupation des territoires sahraouie, l’initiative royale ne pouvait que susciter la méfiance d’Alger. Cette fois, c’est presque cousu de fil blanc.