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Inondations en Algérie : comment anticiper pour ne pas subir

Après un avril sec, l’Algérie a connu un mois de mai très pluvieux. Les précipitations se poursuivent en ce début juin sur tout le nord du pays, éloignant le spectre d’une grave sécheresse, mais causant des inondations parfois dévastatrices.

Comme à chaque fois, le débat sur les catastrophes naturelles, leur coût et les défaillances dans leur prévention et la prise en charge de leurs retombées, revient au-devant de la scène.

Les mêmes questions reviennent aussi : à qui la faute ? Et que faudra-t-il faire pour ne plus être pris au dépourvu ?

De nombreuses villes algériennes, notamment celles de la bande littorale, comme Tipaza et Boumerdès, se sont retrouvées il y a dix jours sous les eaux qui ont inondé les routes et causé des dégâts aux habitations et aux infrastructures.

Il y a eu même deux décès, même si le bilan n’est pas aussi lourd que ceux des catastrophes précédentes, comme les inondations de Bab El Oued (Alger) qui ont fait plus d’un millier de morts en novembre 2001.

Ces catastrophes à répétition coûtent aussi énormément à la bourse de l’Etat. Quelques jours avant les inondations de cette fin du printemps, un séminaire sur la prévention des risques sismiques s’est tenu à Alger en présence du Premier ministre Aimene Benabderrahmane.

Celui-ci en a profité pour révéler le chiffre exact de ce que débourse l’Algérie chaque année pour prendre en charge les retombées des catastrophes naturelles.

La facture s’élève à 225 millions de dollars par an, avec la part du lion qui va à la réparation des dégâts causés par les inondations et l’indemnisation des sinistrés, soit 70 %.

Les inondations de cette année ont donné un aperçu de l’effort financier que l’Etat est appelé à consentir à chaque épisode de ce genre. Lors de la réunion du Conseil des ministres de dimanche 28 mai, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a ordonné le déblocage d’une enveloppe de 10 milliards de dinars (73 millions de dollars) pour la réparation des infrastructures endommagées et l’indemnisation des sinistrés, dont les pêcheurs qui ont vu leurs outils de travail détruit par les eaux au niveau des ports.

Inondations en Algérie : comment agir en amont ?

Si l’Etat algérien prend en charge comme il se doit le problème en aval, on ne pas dire autant du travail qu’il est censé faire en amont.

Car la prise en charge financière des éventuels dégâts n’est qu’un aspect du traitement du problème des inondations. Et il n’est pas le plus déterminant.

A entendre les spécialistes qui s’expriment régulièrement sur la question, la déficience est dans la prévention qui doit commencer par l’élaboration des plans de villes, d’aménagement urbain et d’occupation du sol adéquats et qui prennent en compte sérieusement le risque d’inondation à tout moment de l’année.

Le changement climatique rend la problématique plus complexe car le phénomène est appelé à se produire plus fréquemment, plus intensément et de manière inattendue. L’exemple de cette année est très édifiant : après un avril sans pluie, ce qui est inhabituel, les fortes précipitations ne se sont presque pas interrompues en mai, un mois d’habitude moins pluvieux.

L’Algérie est appelée à revoir sa législation en matière d’urbanisme en incluant le concept de la “ville-éponge”, avec de vastes espaces verts et des réseaux d’évacuation efficaces et régulièrement entretenus.

La défaillance se trouve aussi parfois dans l’application de la loi, quand les textes existent et ne sont pas ambigus. C’est le cas de toutes ces constructions illicites contre lesquelles l’Etat semble impuissant.

Malgré les épisodes d’inondations parfois dramatiques, on continue encore à construire sur des sols fragiles ou sur des lits de rivières, avec parfois au bout une “régularisation” en bonne et due forme.

Attaquer le problème en amont, dans le cadre d’une stratégie globale qui prenne en compte tous les aspects -du planning et contrôle de la construction à l’entretien des réseaux d’évacuation- permettra à coup sûr d’atténuer les retombées des inondations, d’éviter des drames et de permettre à l’Etat d’économiser de l’argent qu’il peut utiliser dans d’autres domaines comme la santé, la lutte contre le chômage, l’éducation…

Les aménagements à faire coûteront de l’argent, certes, mais sans doute pas plus que ce qui est déboursé chaque année pour réparer et indemniser après coup.

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