La chasse du gibier est une activité très appréciée dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Le parc national du Djurdjura abrite une faune riche et sauvage : singe magot, lapin, perdrix, faucon, corbeau, fouine, chacal, porc-épic, vautour, grive, sanglier…
Certaines espèces sont en voie de disparition comme l’aigle, le faucon ou le porc-épic. En dépit de l’interdiction de la chasse imposée par la situation sécuritaire du pays, la Fédération de chasse de la wilaya de Tizi-Ouzou, conjointement avec la direction de la Conservation des forêts, organise des stages de formation et délivrent des attestations d’habilitation au permis de chasser.
Certains chasseurs sont montés au créneau pour dénoncer ce qu’ils qualifient de grosse arnaque. « Pourquoi délivrer des attestations de chasse alors que cette activité est formellement interdite pour des raisons sécuritaires ? » s’interrogent- ils.
Un permis de chasse à 12.000DA pourquoi faire ? Les vétérans conte la Fédération de chasse
À Tassaft Ouguemoune, village située à une quarantaine de km de Tizi-Ouzou, nous avons rencontré Abdennour Ait Hamouda (70 ans). Il est de retour d’une journée de chasse. De sa gibecière, le septuagénaire exhibe une belle perdrix chassée ce matin, dans les montagnes du Djurdjura avec sa bande de vieux copains.
« En tant qu’ancien chasseur qui pratique cette activité depuis l’âge de 12 ans, je suis consterné par le grand bazar qui régit cette activité. La chasse est déclarée illégale pour des raisons sécuritaires. Toutefois, la Fédération de chasse de Tizi-Ouzou, en collaboration avec la Direction des forêts appellent les gens à s’inscrire, moyennant 12.000DA, pour subir un stage de chasse, couronné par la délivrance d’un certificat. Nous sommes un groupe d’anciens chasseurs à dénoncer ces faits. Nous nous insurgeons contre ces pratiques d’arnaque. D’abord pourquoi délivrer des attestations et non pas des permis de chasse comme dans tous les pays du monde ? Ensuite, à quoi ce bout de papier peut-il bien servir puisque la chasse est interdite ! Comme les armuriers ont mis la clef sous le paillasson, les chasseurs sont obligés d’acheter des cartouches au marché parallèle. Ces munition sont vendues entre 250DA et 300DA l’unité alors que leur prix réel ne dépasse pas 50DA. Ce flou encourage la vente illicite des cartouches. La Fédération de chasse empoche 12.000DA pour chaque chasseur. Où va cet argent ? C’est la question que tout le monde se pose ! Et quelle contradiction ! On vous remet une attestation de chasse mais si par malheur vous êtes appréhendé avec une cartouche, direction la taule. La chose et son contraire ! C’est ubuesque ! »
Braconniers et espèces en voie de disparition
Chasseur aguerri, Ait Hamouda Abdennour pratique la chasse avec ses amis en ignorant la Fédération de chasse. « Dès l’ouverture de la chasse en septembre, nous demandons l’autorisation de chasser aux services de sécurité. La gendarmerie ferme les yeux. Nous signalons notre présence afin d’éviter des bavures comme celle qui a eu lieu dans la région d’Azazga où un chasseur a été abattu, par inadvertance, par les forces de sécurité. La période de chasse est strictement réglementée. Elle court de septembre à décembre. Nous ne chassons que pendant les week-ends et jours fériés. Il y a aussi un quota de chasse à respecter : pas plus d’un lapin et de quatre perdreaux. Il faut respecter la nature et permettre aux espèces de se reproduire. Toutefois, des braconniers sans foi ni loi continuent à porter atteinte à la faune en chassant, en dehors de ses périodes autorisées. Beaucoup d’espèces sont menacées d’extinction. Apercevoir un aigle de nos jours, constitue un grand événement. Faucons et porc-épics se raréfient également dans la région. À contrario, sangliers et singes magots proliférèrent. À la demande des agricultures, nous allons organiser une battue en décembre pour abattre des sangliers. Cette espèce saccage les cultures maraîchères et occasionnent de grandes pertes pour les villageois. Nous chassons également le chacal dont la peau est prisée pour la fabrication de tambour (T’bal) ».
En attendant que la question de l’autorisation de la chasse et de la vente de cartouches soit définitivement clarifiée, les anciens chasseurs des montagnes de la wilaya de Tizi-Ouzou continuent à pratiquer la chasse, de septembre à décembre. Un art de vivre hérité de leurs aïeux, auxquels ils ne sont pas prêts à renoncer.