L’Algérie qui peine à attirer les investissements directs étrangers (IDE) est confrontée à un nouveau phénomène : le blocage des projets qui sont pratiquement prêts à entrer en production.
Dans son discours prononcé à l’ouverture de la conférence nationale sur la relance de l’industrie, dimanche 5 décembre, le président Abdelmadjid Tebboune a tenté de répondre à une question qui déroute tous les économistes : pourquoi, avec tous ses avantages comparatifs, ses infrastructures et la générosité des mesures incitatives qu’elle prend régulièrement, l’Algérie n’arrive pas à attirer les investissements ?
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Le chef de l’Etat n’a répondu qu’en partie, focalisant sur les investissements qui n’ont pas pu voir le jour par la faute d’une administration trop prudente, corrompue ou carrément malveillante.
Selon le président de la République, le gouvernement a été instruit de débloquer 402 projets. Au niveau de l’ANDI, l’agence nationale pour la promotion de l’investissement, il y aurait 581 dossiers en attente d’être validés pour bénéficier des avantages incitatifs.
Selon un rapport du ministère de l’Industrie, cité par M. Tebboune dans son discours, les usines construites mais dont l’entrée en production est entravée par l’administration, sont susceptibles de créer 75 000 emplois.
Au niveau du Conseil national de l’investissement (CNI), 2 500 projets sont en instance de validation avec au minimum 5 milliards de dinars pour un seul projet, a indiqué fin novembre le Premier ministre Aïmene Benabderrahmane. Le total des investissements bloqués au niveau du CNI est d’au moins 90 milliards de dollars.
C’est un gâchis impardonnable en effet dans un pays où la situation sociale est à peine tenable, avec un pouvoir d’achat qui se dégrade de mois en mois, des syndicats qui grondent, une population qui croît de près d’un million d’habitants par an et des recettes pétrolières qui deviennent de plus en plus insuffisantes.
L’Algérie ne peut pas se permettre de garder fermées des usines équipées et prêtes à créer emplois et richesses. Le chef de l’Etat a parlé de « crime » contre l’économie nationale.
Bureaucratisation et politisation
Trois catégories de « bureaucrates » se comportent en frein à l’investissement, d’après le diagnostic présidentiel : les fonctionnaires échaudés par le sort de leurs collègues emprisonnés pour avoir signé des autorisations pas trop en conformité avec la loi, les corrompus qui font du chantage aux opérateurs et enfin ceux qui agissent pour le compte de cercles occultes qui ont intérêt à ce que l’Algérie ne sorte pas de l’ornière et qui veulent « faire sortir les gens dans la rue », pour reprendre les mots de M. Tebboune.
Le président de la République a mis le doigt sur une partie du mal qui ronge la sphère économique algérienne, mais pas tout le mal. Les comportements décriés sont une réalité palpable, mais ils sont eux-mêmes la résultante de la « bureaucratisation » à outrance, pour ne pas dire la « politisation » de l’acte d’investir. Il y a trop de régulation et trop d’Etat dans le processus, des démarches pour la création de l’entreprise jusqu’à la commercialisation du produit et l’exportation pour certains opérateurs.
Et la mouture du nouveau code de l’investissement, attendu depuis deux ans, n’est pas ce que l’on peut appeler un texte révolutionnaire puisqu’il reconduit le schéma en vigueur depuis deux décennies, avec le CNI et l’ANDI et qui changeront seulement de dénomination mais garderont toutes leurs attributions et auront toujours le dernier mot, respectivement sur les grands projets (plus de 5 milliards de dinars) et les investissements ordinaires.
Pour le foncier industriel, un autre vecteur de blocage et de corruption, le président a annoncé sa centralisation au niveau d’une agence nationale qui lui sera dédiée, ce qui n’éloigne pas les risques d’entraves et des longs délais d’attente induits par le traitement centralisé des dossiers au niveau de l’ANDI et du CNI.
Octroyer des avantages fiscaux ou autres aux investisseurs n’est pas une tare, c’est même une condition sine qua non pour les attirer dans un monde qui se les arrache. La solution est peut-être d’en finir avec ces histoires d’agences et de conseils et de régir l’acte d’investir simplement par des lois claires et pérennes que tous les agents de l’Etat sont naturellement tenus d’appliquer à la lettre.