La nouvelle loi sur les investissements en Algérie qui est pleinement entrée en vigueur après la promulgation de ses textes d’application, mardi 20 septembre, comporte des avancées, mais une « épée de Damoclès » va peser sur les investisseurs, estime le Care.
Le Cercle algérien de réflexion sur l’entreprise (Care) salue cette rapidité qu’il qualifie de « performance remarquable dans le contexte économique algérien », et se félicite de « la volonté affichée des autorités publiques au plus haut niveau de relancer l’investissement productif ».
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Le think-tank algérien vient de publier la première partie d’une étude intitulée : « Après la promulgation de la nouvelle loi, quel climat pour l’investissement en Algérie ? ».
II estime que la question de l’investissement nécessite un plus large débat et que les clarifications apportées au cadre légal et réglementaire méritent « d’être approfondies et complétées », connaissant le poids des « pesanteurs bureaucratiques » et la distance qui « sépare souvent les objectifs de départ des dures réalités du terrain ».
Parmi les difficultés pratiques qui demeurent posées pour l’investissement en Algérie, le Care cite celles liées à « l’accès au financement, aux incohérences des nombreuses réglementations, aux échanges extérieurs et à diverses restrictions parsemant le parcours de l’investisseur ».
Rappelant les sommes dépassées dans le passé sans parvenir à une croissance solide, le Cercle estime qu’« il sera nécessaire de cibler des taux annuels de croissance du PIB plus consistants au cours des dix prochaines années ».
Avant la promulgation de la nouvelle loi, le Care avait insisté sur les garanties à donner aux opérateurs, les estimant plus importantes que les incitations financières.
Même si la proposition n’a pas été retenue, cela n’empêche pas le think-tank algérien de relever des « progrès introduits dans la loi et la réglementation », comme la décentralisation du traitement de la décision d’investissement, le recadrage du rôle du Conseil national de l’investissement (CNI), l’automaticité des avantages, la levée des restrictions légales aux investissements directs étrangers (IDE), la création d’une instance de recours…
Mais tout cela, rappelle-t-il, « n’est pas une finalité en soi ». Il faudra que les nouvelles mesures se traduisent par « la relance effective » des investissements productifs.
La plus grande contrainte que le Cercle algérien de réflexion autour de l’entreprise dit redouter, ce sont les délais fixés dans la nouvelle loi pour la concrétisation des projets. C’est l’objet de la première note rendue publique, la prochaine devant porter sur l’efficacité des investissements.
Epée de Damoclès
Le Care rappelle les dispositions des articles 32 et 36 du nouveau code de l’investissement en Algérie.
Le premier fixe à trois ans le délai de réalisation des projets d’investissement et à cinq ans ceux relevant du « régime des zones » et du « régime des investissements structurants », des délais qui commencent à courir à compter de la date de l’enregistrement de l’investissement ou de la délivrance du permis de construire, avec possibilité de prorogation de 12 mois renouvelables, exceptionnellement, une seule fois.
Le second article cité (36) stipule des sanctions encourues en cas de non-respect des engagements, soit le retrait en partie ou en totalité des avantages, « sans préjudice des sanctions prévues par la législation en vigueur ».
Le Care rappelle avoir attiré l’attention des autorités sur cet aspect et « regrette sincèrement de n’avoir pas été entendu ».
Néanmoins, il insiste sur cette question « qui semble avoir échappé à la sagacité du législateur algérien », parlant d’«épée de Damoclès ».
Le think-tank algérien souligne en effet que, dans le contexte algérien, l’expérience a montré qu’aucun projet d’investissement nouveau (hors bien sûr ceux consistant dans l’acquisition d’une machine par exemple) « ne peut se dénouer dans un délai de trois années ».
Un allongement certes anormal, mais qui ne dépend pas de « la bonne volonté du promoteur, pas plus que de ses capacités de prévision, ou des autres paramètres de maîtrise technique ou financière de son projet ».
Il s’agit donc de le sanctionner pour « des défaillances potentielles qui, dans l’écrasante majorité des cas, échappent totalement à son contrôle ».
Dans le même ordre d’idées, le Care souligne les obstacles qui retardent les projets dont le branchement à l’électricité, le permis de construire, la vérification du respect des normes environnementales, l’enregistrement de produits, les autorisations d’exploitation, le certificat de conformité…
Et, défend-il, quand bien même la loi sur l’investissement en Algérie a fixé des délais pour toutes ces démarches, « ils ne sont pratiquement jamais respectés » et les recours prévus, « lorsqu’ils aboutissent, prennent des années pour corriger une situation ».
À la décharge des administrations, la note du Care souligne qu’elles sont faiblement outillées, manquent de moyens et de personnels bien formés et les lenteurs ne sont pas imputables « nécessairement à la bonne volonté de leurs responsables ».
L’AAPI elle-même ne dispose d’aucun levier « lui permettant d’agir et de solutionner les doléances ».
Le Cercle algérien estime qu’il n’est pas pertinent de faire porter au promoteur le poids de l’exigence de réduction des délais de réalisation.
Et de poser ces interrogations très pertinentes : « Au nom de quelle logique un entrepreneur, public ou privé, national ou étranger, en viendrait de sa propre initiative et de son propre chef à retarder la réalisation de son projet d’investissement, au risque de le mettre en danger au double plan économique et financier ? Pourquoi le sanctionner administrativement ou financièrement sachant déjà que tout retard de réalisation de son projet d’investissement se traduit pour lui par des pertes économiques et financières souvent très lourdes ? » Le problème « mérite d’être traité rapidement et sur le fond », conclut le cercle de réflexion.