L’Institut Montaigne, un think tank libéral français, a appelé dans une note publiée ce jeudi à soutenir financièrement les trois pays du Maghreb que sont l’Algérie, le Maroc et surtout la Tunisie « avant qu’il ne soit trop tard ».
« Les pays du Maghreb et singulièrement la Tunisie ont besoin d’être soutenus dans le contexte de la crise sanitaire. L’Algérie dépense beaucoup et dépend des revenus des hydrocarbures mais elle a encore des réserves et pourrait, au prix d’un changement de doctrine, se financer sur les marchés internationaux », explique dans une notre signée par Hakim El Karoui, ex-conseiller de l’ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin.
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Le Maroc a besoin de « réformes structurelles profondes » et « doit faire évoluer son modèle économique pour le rendre plus créateur de richesses et surtout mieux les répartir », ajoute-t-il.
« Très intégré aux échanges européens, il a lui aussi besoin de soutien », analyse l’Institut Montaigne toujours à propos du Maroc.
M. El Karoui explique qu’en Tunisie, les « besoins de financement tunisiens seraient compris entre 3 et 5 milliards de dollars », contre « 3,5 et 6,5 milliards de dollars » pour le Maroc, alors que l’Algérie « considère qu’elle n’a pas besoin d’un soutien multilatéral », selon lui.
Après avoir dressé rapidement le constat, El Karaoui enchaîne en évaluant les “risques maghrébins” pour l’Europe. Il met en garde contre les conséquences d’une crise sociale au Maghreb sur l’émigration et de l’influence de l’Europe dans les trois plus importants pays du Maghreb. Il s’inquiète de voir d’autres puissances, la Turquie et la Chine, renforcer leurs positions au Maghreb, et ce au détriment des pays européens, dont la France.
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Émigration, influence chinoise et turque
« Si un des trois pays du Maghreb devait entrer dans une crise sociale et donc politique longue, les conséquences en matière d’émigration incontrôlée, de consolidation de l’implantation turque ou chinoise aux portes de l’Europe, voire de montée en puissance de groupes islamistes plus agressifs que ceux actuellement actifs dans les trois pays serait pour l’honneur non seulement un risque mais aussi probablement un déshonneur », avertit la note, qui prévient qu’une « question lancinante reviendrait : comment a-t-on pu en arriver là alors que l’on connaissait les difficultés de ces pays ? »
« Compte tenu des imbrications humaines, économiques, politiques et sociales entre le sud de l’Europe et le nord de l’Afrique, le risque maghrébin est un risque européen », souligne le think tank français, qui explique qu’il s’agit d’un « risque de long terme : le réchauffement climatique au sud va accélérer les migrations vers le nord. Et c’est un risque aussi à court terme à cause de la crise issue du covid-19 ».
Pour réduire ce « risque maghrébin », Hakim El Karoui suggère qu’un moyen de faire cela serait de « soutenir financièrement » les pays du Maghreb au moment où la crise du covid-19 « met en grave, voire très grave, difficulté leurs finances publiques ».
L’Europe a voté « un plan de relance de 750 milliards d’euros pour les pays européens. Comment ne pas inclure à ce souci de stabilisation économique et politique des pays européens l’étranger proche, confronté aux mêmes difficultés sans avoir les moyens et la crédibilité donnés par l’euro », soutient l’analyse.
« Aider les trois pays du Maghreb, et particulièrement la Tunisie, à franchir la crise est socialement juste, moralement nécessaire et politiquement utile. Agissons avant qu’il ne soit trop tard », plaide l’Institut Montaigne.
Pour mieux convaincre de l’utilité d’aider les pays du Maghreb, l’Institut Montaigne souligne comment l’Europe perd du terrain au plan commercial en Algérie, en Tunisie et au Maroc, et ce au profit de la Chine et de la Russie.
En Algérie, la part des importations françaises est passée de 16 % en 2009 à 12 % en 2019, remarque El Karaoui, en expliquant que la Chine et la Russie « notamment sont des partenaires importants ».
« En 2019, 17 % des importations algériennes provenaient de Chine (contre 12 % en 2009), qui compte une diaspora bien implantée dans le pays, avec 40 000 ressortissants », ajoute-t-il.
Pour la Russie, il explique que pour le moment les relations entre les deux pays se « concentrent presque exclusivement sur le secteur de la défense, malgré une coopération récente dans le domaine de la santé avec l’utilisation en Algérie du vaccin russe ».
Pour la Tunisie, la « part des importations françaises s’érode, passant de 21 % en 2009 à 14 % en 2019, tandis que celle de la Chine a quasiment doublé en dix ans (de 5 % en 2009 à 9 % en 2019). Pour le Maroc, la Chine n’est pas en reste puisqu’elle représentait « 10 % du total » des importations du pays en 2019, « tout de même derrière l’Espagne (15 %) et la France (12 %) ».
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