Que se passe-t-il entre Israël et les pays du Golfe ? En moins d’une semaine, trois hauts responsables israéliens ont effectué des visites dans deux pays arabes.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’est rendu à Oman, accompagné du chef du Mossad, où le sultan Qabous. Aux Emirats arabes unis, la ministre israélienne de la Culture et des Sports Miri Regev a visité la grande mosquée Cheikh Zayed et le ministre israélien des Communications Ayoub Kara s’est rendu à Dubaï. Et pour la première fois, l’hymne d’Israël a résonné dimanche lors d’une compétition sportive organisée aux Emirats arabes. Officiellement, ces pays n’entretiennent pas de relations diplomatiques avec Israël.
Séduire les populations arabes
Ces trois visites ont un point en commun : elles ont été largement médiatisées par les médias officiels à la fois en Israël et dans les deux pays arabes. Les messages envoyés durant ces visites semblent s’adresser aux populations arabes et musulmanes pour préparer une normalisation à venir avec l’Etat hébreu.
La ministre des Sports Miri Regev, qui a qualifié l’appel à la prière à Al Aqsa de Jérusalem d’«aboiement de chiens de Mohamed» (QSSL) s’est rendue dans la grande mosquée d’Abu Dhabi. Sur sa page Facebook, la ministre a partagé une vidéo et des photos avec ses guides émiratis, en soulignant qu’il s’agissait de la « première visite » du genre « d’un ministre israélien ».
A Dubaï, le ministre de la communication s’est exprimé en arabe pour parler de paix et de sécurité. « La paix et la sécurité, accompagnées de progrès économique et scientifique, sont la garantie pour l’avenir de nos générations futures », a-t-il dit lors d’une conférence internationale sur les télécommunications. Il a affirmé, toujours en arabe, que « la priorité fondamentale » de son pays était « le renforcement des relations économiques et la coopération scientifique » avec les États du monde.
Un gros coup pour Israël
Ces visites ont suscité une vague d’indignation sur les réseaux sociaux, les internautes arabes rappelant notamment les propos de la ministre israélienne sur les appels à la prière ou la violente répression qui s’abat quotidiennement sur les Palestiniens.
Elles suscitent également de vives inquiétudes chez les Palestiniens. Désormais « le système de valeurs et le pacte politique et social arabe n’existe plus », a déploré samedi dans un bref communiqué Mohammed Chtayyeh, membre du comité central du mouvement Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas, cité par l’agence AFP. « C’est le début de la normalisation publique et la fin de l’initiative de paix arabe », a assuré M. Chtayyeh, faisant référence à un plan de paix saoudien de 2002 proposant une normalisation entre Israël et les pays arabes en échange d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967, soit avant l’occupation israélienne.
En Israël, la visite de M. Netanyahu à Oman, divulguée vendredi après-midi à son retour, a été perçue comme un « gros coup ». Le Premier ministre israélien avait évoqué la veille un rapprochement avec Israël de la part de certains pays de la région. Pour lui, il s’agit d’une grande victoire : il peut continuer à mener une politique très violente à l’égard des Palestiniens.
Depuis plusieurs mois, les pays du Golfe ont multiplié les signes d’apaisement en direction d’Israël. « La cause palestinienne » ne semble plus constituer un tabou pour ces monarchies qui considèrent désormais que la priorité est de contrer l’Iran. Un point sur lequel elles rejoignent Israël, qui considère pour sa part l’Iran comme l’ennemi à abattre.
Même si Ryad n’a pas dit un mot sur les visites israéliennes dans le Golfe, elles les cautionnent. L’Iran est l’une des raisons qui a encouragé les parties à rendre publiques ces visites. « L’alignement des politiques les rapproche », estime Elizabeth Dickinson, analyste au centre de réflexion International Crisis Group, citée par l’AFP.
Lors d’une conférence sur la sécurité le week-end dernier à Bahreïn, le ministre omanais des Affaires étrangères, Youssef ben Alaoui ben Abdallah, a admis, de manière remarquée, qu’Israël était « un État de la région ». « Il est peut-être temps pour Israël d’être traité de la même manière et d’avoir les mêmes obligations que les autres nations » du Moyen-Orient, a-t-il ajouté.
La position omanaise a apparemment été soutenue par le ministre des Affaires étrangères de Bahreïn qui a parlé positivement de la « sagesse » de Mascate dans le conflit israélo-palestinien.