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Israël accentue son emprise dangereuse sur le Maroc

La normalisation entre le Maroc et Israël connaît un nouveau développement avec la reconnaissance par le gouvernement israélien de la « marocanité » du Sahara occidental.

Selon les termes de la lettre envoyée par le ministère des Affaires étrangères israélien à son homologue marocain, cette reconnaissance doit être « reflétée dans tous les actes et les documents pertinents du gouvernement israélien » et sera « transmise aux Nations unies, aux organisations régionales et internationales dont Israël est membre, ainsi qu’à tous les pays avec lesquels Israël entretient des relations diplomatiques ».

Le ministre des Affaires étrangères israélien Eli Cohen a dit espérer, selon les médias, que ce geste soit de nature à renforcer les relations entre le Maroc et Israël et la « poursuite de la coopération pour approfondir la paix et la stabilité régionales ».

Attendue avec impatience par Rabat depuis qu’il s’est engagé en décembre 2020 dans l’entreprise de normalisation, sous l’impulsion de l’administration Trump, cette reconnaissance marque l’aboutissement d’un renforcement de la coopération, notamment dans le domaine militaire et sécuritaire, entre les deux pays.

Outre un ballet inédit de hauts responsables notamment militaires israéliens au royaume, les deux pays ont convenu en début d’année de renforcer leur coopération dans les domaines de la défense et du renseignement.

C’est ainsi que dans cette perspective, une entreprise israélienne, Elbit Systems, prévoit de construire deux usines de drones au Maroc.

Ne reste désormais que la promotion du bureau de liaison ouvert à Rabat par Israël en ambassade pour que la relation prenne les attributs d’une relation singulière.

Jamais peut-être un Etat arabe, y compris l’Egypte et la Jordanie avec lesquels Israël a signé des accords de paix, n’est allé aussi loin dans ses relations avec un pays belliqueux, colonisateur et spoliateur des terres palestiniennes.

En se livrant pieds et poings liés à Israël, le Maroc, porté par un sentiment de puissance depuis que Washington a reconnu la « marocanité » du Sahara occidental, compte élargir ses alliances pour torpiller tous les efforts onusiens pour un règlement pacifique de la question sahraouie. En voulant à tout prix obtenir la reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara occidental occupé, le Maroc a pris le risque d’hypothéquer sa propre souveraineté.

Convaincu des relais dont dispose Israël dans de nombreuses institutions internationales, Rabat, en nouant cette liaison dangereuse, vise probablement un coup double : « Enterrer » définitivement l’option d’un référendum d’autodétermination au Sahara occidental que réclame l’ONU et entretenir la stratégie de la tension permanente avec l’Algérie dont il redoute la force.

Le Maroc se livre pieds et poings liés à Israël

Reste que cette stratégie ne manquera peut-être pas de faire désordre à l’avenir. D’abord, elle hypothèque gravement la souveraineté marocaine. Car il serait illusoire de croire à la loyauté d’Israël, un pays connu pour son cyber-espionnage, qui ne fait jamais cas de l’avis de la communauté internationale quand il s’agit d’exécuter sa politique, centrée sur la défense de sa sécurité, fut-elle contraire à la légalité internationale, comme on l’a vu dans ses exactions dans les territoires occupés ou dans ses agissements au Liban ou en Syrie.

Pensée et exécutée par le Makhzen, cette mise sous tutelle israélienne fait l’impasse sur l’avis de la rue marocaine, étouffée, dont la sympathie avec la cause palestinienne n’est jamais démentie.

Même si les responsables marocains, pour faire bonne figure, répètent à satiété qu’ils n’abandonneraient jamais la cause palestinienne, de larges pans de la population ne voient pas d’un bon œil ces « noces » avec un pays qui n’est pas prêt à renoncer à ses visées colonialistes, usant par toute sorte de moyens pour étendre son influence, rallier des pays ou neutraliser ceux qui lui sont hostiles.

Sourdes pour l’heure, les expressions de colère ne sont pas à exclure, à terme, notamment parmi les milieux islamistes.

Enfin, elle met dans l’embarras la France, principal partenaire commercial du Maroc, appelée à revoir les paradigmes de sa relation avec les pays du Maghreb. Aussitôt annoncée par Tel-Aviv, la décision d’Israël de reconnaître l’occupation marocaine du Sahara occidental a été suivie d’appels en France à suivre le pays du gouvernement de Netanyahou, le plus extrémiste de l’histoire de ce pays.

Eric Ciotti, le président du parti Les Républicains (droite) a applaudi et a appelé la France à faire de même, c’est-à-dire, reconnaître la souverainté du Maroc sur le Sahara occidental, et jeter aux orties toutes les résolutions de l’ONU sur le conflit sahraoui.

L’emprise d’Israël sur le Maroc bloque pour longtemps la perspective de la construction du grand Maghreb, comme l’ont souhaité les pères nationalistes.

Si l’obsession de Rabat, en faisant feu de tout bois, est d’éliminer définitivement la question sahraouie, les conséquences de sa liaison avec Israël risquent de s’avérer désastreuses. Non seulement pour lui, mais pour toute la région du Maghreb.

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