Israël va-t-il utiliser le territoire syrien pour faire la guerre à l’Iran ? Samedi 10 février, l’aviation israélienne a mené un raid aérien à large spectre en Syrie en réponse à l’intrusion « d’un drone iranien » dans son espace aérien à partir du territoire syrien et qui aurait été intercepté par un hélicoptère de combat Apache. Le drone a été détruit au vol, d’après des images diffusées par l’armée israélienne.
Les bombardements avaient ciblé, selon Avichay Adraee, porte-parole arabophone de l’armée israélienne, des batteries anti-aériennes de type SA 5 et SA 17 et des« s ystèmes de contrôle iraniens près de Damas » (système de lancement de drones, semble-t-il).
En septembre 2017, l’armée israélienne avait annoncé avoir intercepté un drone de « conception iranienne » et contrôlé « par le Hezbollah » au nord, dans la zone démilitarisée entre la Syrie et Israël.
L’opération s’est soldée notamment par la destruction d’un avion de combat israélien en Syrie, dans la nuit de vendredi 9 février, qui marque une évolution dans la situation déjà explosive au Moyen-Orient. L’appareil a été abattu par la défense aérienne syrienne.
Benyamin Netanyahu a accusé l’Iran de vouloir « détruire Israël » en « utilisant le territoire syrien ». « Je mettais en garde depuis un moment contre l’ancrage militaire iranien en Syrie », a-t-il déclaré.
L’armée israélienne a publié un communiqué pour expliquer que le raid aérien en territoire syrien était « une réponse » à l’intrusion « du drone iranien ».
« Les Syriens jouent avec le feu quand ils autorisent les Iraniens à attaquer Israël depuis leur territoire. Nous sommes prêts et capables de faire payer un lourd tribut à quiconque nous attaquerait. Toutefois, nous ne souhaitons pas d’escalade », a déclaré Jonathan Conricus, chef du bureau de la presse internationale de l’armée israélienne, repris par les journaux de Tel Aviv.
Tillerson évoque « le droit d’Israël de se défendre »
Netanyahu a appelé dans la journée de samedi 10 février le secrétaire d’État américain Rex Tillerson qui l’a assuré du soutien de Washington en parlant du « droit d’Israël à se défendre », lexique habituel de la diplomatie américaine.
Les États-Unis évoquent « le régime syrien et les milices alliées » (allusion au Hezbollah libanais) qui menacent la sécurité d’Israël. Washington a, dans la foulée, appelé l’Iran à cesser ses « actions de provocation » dans la région.
Rex Tillerson est, depuis ce dimanche 11 février, en tournée au Moyen-Orient qui le conduira en Jordanie, en Égypte, au Liban (trois voisins d’Israël), en Turquie et au Koweït.
La crise syrienne sera au cœur de cette visite. Une crise qui risque de se compliquer davantage puisque des médias américains ont soupçonné la Russie d’avoir appuyé la défense anti-aérienne syrienne pour abattre le F16 israélien, un appareil réputé redoutable.
La situation devient aussi de plus en plus complexe après l’engagement des troupes turques en Syrie pour traquer des milices kurdes, soutenues par les États-Unis, et qu’Ankara considère comme des groupes terroristes qui « menacent sa sécurité ».
« Les vacances sont terminées pour Israël »
Les médias israéliens se sont déchaînés après l’affaire du F16 ciblé par un système russe S-200, selon des sites spécialisés, et tombé en territoire israélien et « le drone iranien ».
« Les vacances sont terminées pour Israël », a écrit un éditorialiste alors que la plupart des médias évoquent le renforcement de la présence militaire non loin des frontières avec la Syrie, au nord où une division (la 210e) est sur place depuis juillet 2013 pour « sécuriser » les lieux et « se préparer à toute escalade de violence ».
Les militaires israéliens disent, dans plusieurs forums sur Internet, qu’il ne suffit pas d’être « forts » mais qu’il faut se « préparer à toute éventualité » d’attaques. Aux frontières nord, la chaîne 10 de la télévision israélienne a rapporté que de nouvelles batteries anti-aériennes sont en phase d’installation en positions avancées pour contrer toute offensive aérienne ou lancement de missile à partir du territoire syrien voisin.
De nouvelles lignes rouges
Selon Russia Today, Netanyahu a déclaré que Tel Aviv va désormais imposer de « nouvelles lignes rouges ». « Nous continuerons à frapper tous ceux qui tentent de nous attaquer. C’est notre politique et cela restera notre politique », a-t-il dit.
Avichay Adraee a, pour sa part, déclaré à Al Jazeera, sur un ton de défi, que l’armée de l’air israélienne est plus forte que jamais. « Plus que certains croient. Nous sommes forts sur le plan du renseignement et des opérations. Que celui qui se sent capable vient nous affronter », a-t-il lancé.
Avichay Adraee mène sur son compte twitter une campagne contre l’Iran à grand renfort de caricatures et de photos. « L’Iran n’est pas venu en Syrie pour la sauver de Daech mais pour l’impliquer en vue de combattre Israël à partir de ses terres. Mais, Israël ne va pas se taire sur toute agression sur sa souveraineté. Les Syriens connaissent-ils le sort des pays arabes occupés par l’Iran, plus grand occupant au monde ? », s’est-il interrogé.
« Des allégations ridicules »
À Téhéran, les accusations israéliennes ne semblent trouver qu’un faible écho. « Les allégations à propos du survol d’un drone iranien sont trop ridicules. Pour couvrir leurs crimes dans la région, les dirigeants israéliens recourent à des mensonges contre les autres pays », a soutenu, repris par l’agence Irna, Bahram Ghassemi, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères.
Selon lui, l’Iran n’a pas de présence militaire en Syrie. « À la demande du gouvernement de la Syrie, nous avons envoyé des conseillers militaires uniquement », a-t-il assuré.
Le président iranien Hassan Rohani a, de son côté, déclaré, cité par Irna, que son pays a aidé les peuples syrien et irakien à se débarrasser du « terrorisme de Daech ».
« Nous avons réalisé de bons résultats. Les peuples de la régions ont mis hors d’état de nuire les terroristes », a-t-il applaudi, en accusant « les ennemis internationaux » à vouloir « diviser la Syrie et l’Irak » et « à créer des troubles au Liban ». Il a critiqué le soutien continu des États-Unis à Israël.
Les pays arabes, habituellement hostiles à l’Iran, comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, n’ont pas réagi au début d’escalade entre Tel Aviv et Téhéran en Syrie et aux bombardements israéliens de cibles à Damas et Homs. Depuis 2013, Israël a mené une vingtaine de raids aériens en Syrie sans que cela fasse réagir les pays arabes ou la communauté internationale.
Rôle d’équilibre pour la Russie et la Turquie ?
Les observateurs craignent que l’escalade entre Israël et l’Iran évolue en conflit ouvert dans une région lacérée par les conflits depuis plus de dix ans et dans une conjoncture marquée par un affaiblissement clair du rôle de médiation des États-Unis après la décision du président Trump de déplacer l’ambassade américaine de Tel Aviv à El Qods (Jérusalem).
La Russie et la Turquie sauront-elles jouer le rôle d’équilibre les prochains mois pour éviter l’embrasement ? Israël entretient des relations diplomatiques et économiques avec Ankara et avec Moscou. Deux capitales qui ont des rapports assez correctes avec la plupart des pays arabes. Entretemps, le chef de la diplomatie américaine, qui peine à se faire écouter dans le monde, ira en Koweït discuter de… « la reconstruction de l’Irak ». La reconstruction signifie de gros contrats avec les firmes internationales et des positions fortes sur le marché. La paix en Syrie peut attendre.