Reporté une première fois mercredi dernier, le procès d’Issad Rebrab s’est finalement ouvert ce mardi 31 décembre devant le tribunal de Sidi M’hamed (Alger). Le président et fondateur de Cevital est poursuivi pour les délits de faux et usage de faux, fausse déclaration douanière, infraction à la législation sur les mouvements de capitaux et surfacturation.
EvCon Industrie, filiale de Cevital, et Housing Bank Algérie sont également poursuivies en tant que personnes morales, tandis que les Douanes et le Trésor public se sont constitués parties civiles. L’objet de la surfacturation présumée est un équipement industriel importé par la société EvCon destiné à son usine de fabrication de membranes de production d’eau ultra-pure.
Contrairement à mercredi passé, le représentant d’EvCon est cette fois présent, de même qu’un témoin clé à décharge, l’ingénieur autrichien qui a conçu la machine objet du litige. Les parties civiles sont représentées par leurs avocats respectifs.
Avant d’entamer les débats, la présidente apporte une réponse à la demande d’être assisté par un traducteur formulée il y a une semaine par le principal accusé. « Tamazight étant langue nationale et officielle, il n’y a pas lieu de faire appel à un traducteur. Un avocat peut effectuer cette tâche, à condition qu’il ne soit pas constitué dans cette affaire », dit-elle en expliquant à M. Rebrab qu’il peut aussi s’exprimer s’il le souhaite en arabe dialectal.
L’audience commence donc par l’audition d’Issad Rebrab, invité à s’expliquer sur chacune des accusations. Il tente d’expliquer qu’il était le président du conseil d’administration du groupe Cevital qui compte 27 sociétés, dont EvCon, mais la présidente le coupe et lui fait remarquer qu’il est aussi le président du conseil d’administration d’EvCon. « Nous avons consulté les statuts de la société et nous avons constaté que son conseil d’administration dispose de très larges prérogatives », dit-elle.
Rebrab acquiesce sur ce point, mais démonte toutes les accusations. « Cevital est le premier groupe privé algérien et nous gagnons légalement des dizaines de millions d’euros chaque année, nous n’avons pas besoin de recourir à des moyens détournés pour gagner des devises », déclare-t-il, avant de répondre à chaque grief.
« Le montant déclaré auprès de la Douane est de 5 750 000 euros, alors que, selon l’expertise, le prix réel des machines importées est de 98 millions de dinars (à peine 800 000 euros) », reproche la présidente. Réponse de Rebrab : « L’expert a calculé le coût de la fabrication de la machine mais n’a pas pris en compte les coûts de sa conception. C’est un prototype qui n’existe nulle part au monde, sa conception représente 80% de son coût ».
L’expertise a aussi relevé que les équipements ont été fabriqués en 2015 et ils ont déjà servi. L’accusé explique que les machines sont restées bloquées et ont été longtemps exposées aux intempéries et autres aléas, ce qui a pu donner l’illusion qu’elles ne sont pas neuves.
Autre anomalie relevée : les équipements ont été fabriqués et embarqués en Corée du Sud alors qu’EvCon a traité avec la société autrichienne Woojin. « Woojin a fait monter la machine par sa société-mère en Corée du Sud, c’est un procédé courant », répond l’industriel.
La présidente relève aussi que le bon de livraison de la marchandise, au nom d’EvCon, est daté du 10 mai 2018, alors que la société n’existait pas encore, étant créée le 21 du même mois. Issad Rebrab explique que, dans un premier temps, le projet a été présenté à l’Agence nationale de développement de l’investissement (ANDI), au nom de Cevital, afin de bénéficier des avantages de ce dispositif. Mais pour cela, il fallait que le montant de l’investissement soit au moins égal à 10% du capital de l’entreprise. D’où l’idée de créer une nouvelle société. Toute la procédure a été donc poursuivie au nom d’EvCon.
Issad Rebrab se défend bien. Dans une de ses réponses à la présidente, il s’interroge pourquoi une contre-expertise lui a été refusée et assure que toute cette affaire est « une machination » contre sa personne.
Appelé à la barre, le gérant d’EvCon, M. Medjahed, apporte les mêmes réponses. Pour lui, il n’y a aucune anomalie. Le tribunal a par la suite entendu Hocine Hannachi, PDG de Haousing Bank Algérie, banque domiciliataire de l’opération, et poursuivie en tant que personne morale. Il assure lui aussi que la procédure a été respectée et qu’il n’y avait pas lieu de faire une déclaration de soupçon. Mais sa version sera mise à mal par un témoin à charge, M. Si Fodil, expert bancaire. Pour celui-ci, il y avait bien une anomalie dans l’opération puisque dans le dossier fourni, il y avait un document, le bon de livraison au nom d’Ev Con, établi dix jours avant la création de la société.
La séance a été levée vers 16h et a repris en fin d’après-midi. Elle reprend avec l’audition d’un témoin-clé du procès, l’ingénieur autrichien Serdar Kaliskan.
L’ingénieur autrichien confirme que ce sont des machines neuves. Pour le prix, “nous les concepteurs n’accordons pas d’importance au prix”, a-t-il dit.
Le procureur : “Je n’ai pas de questions”.