Yasmine Terki, architecte algérienne spécialiste en patrimoine regrette le choix de le Wilaya d’Alger de confier à Jean Nouvel la sauvegarde de la Casbah d’Alger.
« Il est bien triste qu’on en soit réduit à cela, à devoir faire appel à Jean Nouvel d’autant plus qu’il n’est pas du tout connu pour ses compétences en matière patrimoniale. C’est un architecte star. Et, je n’aime pas les projets de Jean Nouvel. Mais, nous sommes face à une réalité. La Casbah d’Alger est classée depuis 1992 dans la liste du patrimoine universel (par l’Unesco). Et depuis 1992, rien n’a été fait. Le wali d’Alger a envie que les choses soient faites », a-t-elle déclaré, à TSA, ce jeudi.
Selon elle, le wali d’Alger Abdelkader Zoukh a réuni, il y a quelques temps, des architectes algériens spécialisés en patrimoine et qualifiés en tant que tels par le ministère de la Culture, pour aborder le sujet de la sauvegarde de la Casbah d’Alger.
« Le wali a tenté pour que les architectes algériens collaborent. Cela dit, la Casbah est une vaste problématique architecturale et urbaine qui se joue à l’échelle de la ville d’Alger. Cela nécessite une vraie équipe multidisciplinaire. Jamais les architectes algériens n’ont fait le forcing pour prendre en charge le patrimoine de la Casbah. On se dit, entre ne rien faire et laisser Jean Nouvel faire, c’est bien triste. Je préfère que Jean Nouvel fasse quelque chose plutôt que laisser la Casbah tomber pièce par pièce », appuie Yasmine Terki.
Il existe, selon elle, des architectes algériens, spécialisés en sites et monuments historiques, qui peuvent intervenir sur la Casbah. Elle assure que la wilaya d’Alger a, il y a quelques mois, demandé aux architectes intéressés par des opérations d’intervention sur le patrimoine d’Alger, pas uniquement la Casbah, de déposer leurs candidatures à la direction de la culture. « Depuis, je n’ai eu aucune réponse », affirme-t-elle.
« Ne pas capitaliser l’expérience serait une grave erreur »
Brahim Benyoucef, expert algérien en urbanisme et en sciences sociales, établi au Canada, a, dans une tribune, publiée sur Facebook, critiqué le choix d’un architecte étranger pour s’occuper de la Casbah d’Alger.
« Dans un pays où chaque année pas moins d’une quarantaine d’instituts d’architecture forment des milliers d’architectes, sans compter les ressources voisines, il serait très maladroit et méprisant même de ne pas donner l’occasion à des talents cachés de se mettre à l’épreuve ; et d’autant plus que la Casbah incarne la mémoire d’Alger », a-t-il regretté.
« Même si le projet aborde la stratégie du développement d’Alger aux horizons 2035, la rénovation du quartier de la Casbah occupe une place centrale. Or, ce site n’a cessé depuis des décennies de faire l’objet de nombreux projets. Faire table rase et ne pas capitaliser l’expérience serait une grave erreur. Ne pas faire de bilan pour identifier les forces et faiblesses et évaluer l’argent investi, serait une fuite en avant irresponsable », a-t-il ajouté.
Farid Ziani, architecte designer algérien établi au Japon, a, lui aussi, émis des réserves en s’interrogeant sur Facebook : « Comment voudriez-vous jugez un projet dont la seule information dont on dispose et le nom de l’architecte ? Je n’ai vu aucune ligne dessinée, aucune déclaration par rapport aux objectifs, ni aux matériaux, on n’a jamais fait mention de couleurs, de textures. Il n’y a même pas de terminologie, ni même une ébauche de discours… ».