C’est désormais fait. Joe Biden est élu président des États-Unis, ont annoncé ce samedi 7 novembre les grands médias américains, et ce après quatre jours de dépouillement des bulletins de vote, de suspense et d’accusations de fraude de la part de Donald Trump.
Joe Biden deviendra le 46e président des États-Unis en janvier prochain, et le président sortant va donc se contenter d’un mandat unique à la Maison Blanche.
Un scénario loin d’être imprévu, quasiment tous les sondages ayant donné le candidat démocrate de 77 ans largement vainqueur depuis plusieurs mois.
Les États-Unis s’apprêtent donc à changer de président, donc de politique interne et sans doute aussi de position sur certains dossiers de politique étrangère. « L’administration Biden s’attèlera à réparer les dégâts causés par Donald Trump », résume le Washington Post.
Au Moyen-Orient, l’histoire retiendra du mandat de Donald Trump l’alignement total de l’administration américaine sur les positions d’Israël, avec comme point d’orgue le transfert de l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem.
Trump s’est aussi distingué par la fermeture de la représentation de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Washington et l’encouragement de nombreux États arabes à normaliser leurs relations avec Israël.
La précipitation des Émirats arabes unis de normaliser ses relations avec Israël, à quelques jours de la présidentielle américaine, n’a pas pesé sur le scrutin, et le président américain n’obtiendra pas de second mandat.
Cheikh Mohamed Ben Zayed Al Nahyan, prince héritier d’Abu Dhabi, a certes volé au secours de son ami Trump qui était en difficultés dans les sondages face à Joe Biden, sans succès.
Le départ de Trump de la présidence américaine est forcément une bonne nouvelle pour tous les défenseurs de la cause palestinienne, même si son probable successeur ne s’est jamais engagé à rétablir l’ambassade à Tel-Aviv ou à bloquer le processus de normalisation en cours.
Néanmoins, Joe Biden a clairement affiché son opposition au plan israélien d’annexion de la Cisjordanie, déclarant notamment que « la colonisation étouffe tout espoir de paix », et s’est engagé à rétablir l’aide américaine à l’Autorité palestinienne et à rouvrir le consulat US à Jérusalem-est et le bureau de représentation de l’OLP à Washington. Les analystes s’accordent à prévoir qu’il tentera de relancer la solution à deux États.
Aussi, Biden a solennellement promis d’annuler, le jour même de son investiture, le décret « muslim Ban » signé par Trump en 2017 et en vertu duquel l’entrée aux États-Unis était interdite aux citoyens de nombreux pays musulmans (Irak, Syrie, Yémen, Soudan, Libye, Somalie et Iran).
C’est plutôt chez certains régimes arabes que l’élection de Biden devrait susciter de sérieuses inquiétudes. À commencer par l’Arabie Saoudite qui s’en est miraculeusement sortie indemne de l’épisode de l’assassinat du journaliste saoudien Jamel Khashooggi en octobre 2018 dans le consulat du royaume à Istanbul, grâce notamment au soutien de son allié Donald Trump. Celui-ci avait définitivement clos le débat en déclarant qu’il n’allait pas sacrifier un allié stratégique du poids de l’Arabie Saoudite.
« La grandeur de l’Amérique ne se réalise pas en quémandant des contrats de vente d’armes ou d’achat de pétrole », a déclaré Joe Biden avant l’élection, s’engageant à « ne pas fermer les yeux devant les atteintes aux droits de l’Homme pour des considérations politiques ».
« Condoléances à MBS, MBZ, Al-Sissi et Netanyahu »
L’allusion au royaume wahhabite est claire. Biden a du reste été plus explicite plus d’une fois, indiquant, lors du deuxième anniversaire de l’assassinat de Khashooggi, qu’il allait « faire une réévaluation des relations avec l’Arabie saoudite ». Il s’est en outre engagé à suspendre l’aide à l’Arabie saoudite dans la guerre au Yémen.
Autre motif d’inquiétude aux dirigeants saoudiens, dont le prince héritier Mohamed Ben Salmane, c’est l’intention prêtée à Joe Biden de se rapprocher de l’Iran. Il a en tout cas déclaré publiquement que si Téhéran respectait ses engagements, les États-Unis réintégreraient l’accord sur le nucléaire.
L’autre régime qui fait déjà l’objet de critiques de la part du futur président démocrate par rapport aux atteintes aux droits de l’homme, c’est l’Egypte de Abdelfatah Al-Ssissi qui pourrait voir, estiment les analystes, l’aide américaine qui lui est attribuée annuellement conditionnée au respect des droits de l’homme. En tout cas, celui que Trump qualifiait de son « dictateur préféré », n’aura plus de chèque en blanc comme ce fut le cas ces quatre dernières années.
En Syrie, les observateurs ne s’attendent pas à ce que Biden ordonne le retrait des forces américaines ni à la levée des sanctions contre le régime de Bachar Al Assad.
Au Maroc, on semble aussi préférer le statu quo à cause de la position de Trump vis-à-vis du dossier du Sahara occidental. « La dimension et la qualité des rapports entre les deux pays s’est sensiblement renforcée sous la présidence Trump. Que demander de plus ? C’est là un acquis qui ne peut, me semble-t-il, que se consolider dans l’hypothèse d’un second mandat de Trump », analysait il y a quelques jours le politologue Mustpha Sehimi au site H24info.
La victoire de Biden est perçue par beaucoup d’analystes dans le monde arabe comme un événement qui n’apportera pas que des bonnes nouvelles pour les régimes autocratiques dans la région.
Moncef Marzouki, ancien président de la Tunisie, a d’ores et déjà présenté ses condoléances à « Al-Sissi, Ibn Zayed, Ibn Salmane, Netanyahu et leurs semblables ».
« La victoire de Biden est confirmée aussi bien que ses répercussions sur nous. C’est la victoire de la démocratie sur le populisme, de l’humanité sur le racisme, des principes sur les intérêts, de l’intelligence sur la combine. C’est une claque douloureuse pour la corruption de la part de l’intégrité », a indiqué Marzouki avant même l’annonce des résultats définitifs de l’élection américaine.