Il fallait que ce soit lui qui le dise avec son franc-parler habituel. Interrogé sur la situation des nombreux joueurs franco-algériens qui s’illustrent avec des clubs de l’Hexagone et les chances de les voir revêtir le maillot vert de l’Algérie, Djamel Belmadi a répondu d’une manière sèche. Selon lui, hormis ceux de l’équipe du FLN dans les années 1950, aucun joueur n’a préféré l’équipe d’Algérie à celle de France.
Le plus en vue en ce moment c’est Houssam Aouar qui joue pour Lyon et qui « hésiterait » à choisir entre les Bleus de France et les Verts d’Algérie. On peut espérer voir un jour ce talentueux joueur en équipe nationale si Didier Deschamps, le sélectionneur français, lui ferme définitivement la porte. C’est ce que semblait vouloir dire Belmadi, et il a raison de le penser.
Le sélectionneur national savait qu’en disant les choses aussi crument, il risquait de heurter les joueurs qu’ils sous sa coupe en ce moment, Ryad Mahrez, Aïssa Mandi, Raïs M’bolhi et les autres. L’Algérie est peut-être le choix du cœur des dizaines de franco-algériens qui ont défendu ses couleurs depuis l’indépendance, notamment ces dix dernières années, mais le challenge sportif prime toujours sur les autres considérations. L’équipe de France offre une bien meilleure visibilité, un meilleur prestige et c’est plus qu’important dans le football-business moderne. Il faut savoir faire la part des choses.
Le choix d’une nationalité sportive n’est pas un révélateur de patriotisme. Parfait exemple, le grand Zidane. Au début des années 1990, on avait prêté au regretté Abdelhamid Kermali, alors sélectionneur national, la maladresse d’avoir douté des qualités du joueur à qui on avait par ailleurs inventé le désir de jouer pour le pays de ses origines. Aujourd’hui, on sait que tout cela est faux.
Zidane sait d’où il vient, il est très attaché à l’Algérie et il n’a pas manqué une occasion pour le montrer. Mais pour sa carrière, il avait opté dès le début pour le choix qu’il estimait le meilleur. Choisir l’Algérie n’aurait pas fait de lui un joueur moins talentueux, mais la France lui a permis d’être la légende qu’il est devenu.
Avant lui, il y avait, il est vrai, Mustapha Dahleb qui, tout patron du PSG qu’il était, avait joué pour l’Algérie dans les années 1980. Mais on n’a pas souvenir que le fils d’émigrés originaires de Béjaïa a refusé une convocation de la grande équipe de France de l’époque, avec Michel Platini comme maître à jouer. Beaucoup d’autres joueurs émigrés avaient joué pour les Verts dans les années 1980, comme Noureddine Kourichi, Abdellah Medjadi, Halim Benmabrouk, Faouzi Mansouri et la cohabitation ne s’est pas toujours bien passée avec ceux qui sont nés en Algérie.
Le clivage locaux-professionnels a toujours empoisonné l’ambiance dans le vestiaire, avec en toile de fond le patriotisme supposé douteux des binationaux pour qui, accusait-on, l’Algérie était un choix par défaut. Au milieu des années 1990, un joueur a fait attendre l’équipe nationale jusqu’à ses 32 ans. Il s’agit de Ali Benarbia qui, dans ses beaux jours, espérait une place chez les Bleus avant d’opter pour l’Algérie en désespoir de cause. Karim Ziani fait peut-être l’exception en ayant défendu les couleurs nationales en jeunes catégories, à une époque où la loi Bahamas n’existait pas encore, c’est-à-dire sans possibilité de répondre à une convocation de l’équipe de France si un jour elle venait.
Un choix de carrière et non de patrie
La loi Bahamas, qui permet à ceux qui ont joué pour une sélection en jeunes catégories de changer de nationalité sportive, a été adoptée en 2009, inspirée par Mohamed Raouraoua, alors président de la Fédération algérienne.
L’Algérie avait alors pu récupérer des joueurs comme Nadir Belhadj, Hassan Yebda, Mourad Meghni, qui avaient joué pour la France en jeunes, mais qui n’ont jamais eu leur chance en séniors, à cause de la très forte concurrence. Ces joueurs avaient écrit l’une des plus belles épopées de l’Algérie du football en arrachant une qualification à la Coupe du monde 2010 à l’issue du match épique d’Omdurman.
Cette loi a permis à des pays comme l’Algérie de puiser dans la diaspora pour disposer de joueurs que leur système de formation défaillant ne permet pas d’avoir et les pays formateurs n’ont pas de raison de se plaindre puisqu’ils gardent souvent la crème.
Pour le cas de la France, les meilleurs se nomment Zidane, Dessailly, Pogba, Mbappé, Makelele, Henry et aucun n’a opté pour l’un des autres pays pour lesquels ils sont éligibles.
On retrouve dans les annales le cas d’un joueur qui a tourné le dos à la France et il démontre bien que le choix de la nationalité sportive est une question de challenge et rien d’autre. Né en France de parents argentins, Ganzalo Higuain avait l’embarras du choix entre deux très grandes sélections. En 2007, alors joueur du Real Madrid, il avait opté pour l’Argentine. Comme quoi, quand elle est confrontée à une sélection qui offre un challenge égal ou meilleur, la France ne gagne pas toujours.
Pour revenir aux franco-algériens, il est arrivé que des joueurs expriment publiquement leur regret d’avoir boudé l’Algérie, mais seulement une fois éjectés de l’équipe de France où les places sont excessivement chères. C’est le cas de Camel Meriem, Samir Naceri et plus récemment Karim Benzema, même si celui-ci n’est plus convoqué chez les Bleus pour des considérations extra-sportives.
S’il subsistait encore une possibilité juridique pour l’attaquant du Real de jouer pour l’Algérie, et s’il en exprime plus clairement l’envie, il serait maladroit de lui fermer la porte. D’abord parce que c’est un joueur de classe mondiale, ensuite parce qu’il n’a jamais caché son attachement au pays de ses origines. Comme tous les autres, il avait, en optant pour la France, fait un choix de carrière et non de patrie.