Le Syndicat national des magistrats a élu, ce samedi 27 avril, son nouveau président en la personne d’Issad Mebrouk, 52 ans, président de chambre à la Cour de justice de Béjaia. Il remplace Djamel Laidouni qui a passé 15 ans à la tête du Syndicat.
Lors de l’assemblée générale élective, les magistrats ont élu, parmi les six candidats en lice, celui qui a été un des premiers magistrats à manifester publiquement contre le cinquième mandat. C’était le lundi 11 mars, devant la Cour de justice de Béjaia.
Plusieurs magistrats et des avocats avaient tenu un rassemblement de protestation contre le cinquième mandat de Bouteflika et pour réclamer une véritable indépendance de la justice. Une première dans l’histoire du pays à laquelle avait pris part Issad Mebrouk.
Un ex-membre du Club des magistrats
« La réserve dans une étape historique dont dépend l’avenir du pays est égale à une trahison […] Nous sommes des juges et nous demandons le respect de la loi et en priorité la Constitution », avait déclaré Issad Mebrouk pendant le rassemblement de protestation.
Même si à l’époque, le mystère planait sur l’identité des organisateurs de ce premier rassemblement de protestation des magistrats et des nombreux autres qui ont suivi, aujourd’hui, on sait que ce sont des actions du Club des magistrats algériens (CMA), dont le nouveau président du SNM était un des membres fondateurs et même un membre du « noyau dur » composé de quatre magistrats.
Depuis, le CMA a multiplié les actions contre le cinquième mandat d’abord, puis contre le pouvoir. Rassemblements de protestation au niveau de la plupart des Cours de justice du pays, marches, sit-in devant le siège du ministère de la Justice et enfin boycott de la supervision des élections présidentielle, à commencer par la révision des listes électorales, opération qui se fait sous le contrôle des magistrats.
L’élection d’un ancien membre du Club des magistrats algériens, du noyau dur qui plus est à la tête du SNM, est peut-être le signe d’un changement radical de l’orientation du syndicat « maison », comme l’ont qualifié des magistrats contactés par TSA. Depuis toujours perçu comme un outil du ministère des « forces occultes » du pouvoir, selon ces magistrats, le Syndicat national des magistrats, avec l’élection d’Issad Mebrouk à sa tête, est en passe de devenir un syndicat frondeur.
Un changement radical qui reste à confirmer sur le terrain
Entre l’ancien président du syndicat qui, encore à la fin janvier, affirmait que les magistrats étaient prêts à superviser la prochaine élection présidentielle avec « sérieux et rigueur », alors que le cinquième mandat se préparait, et le nouveau président qui a été un des premiers à sortir manifester contre ce même cinquième mandat, le changement est radical.
Même si le magistrat Issad Mebrouk a quitté le Club des magistrats suite à des « divergences d’opinion avec le noyau dur du Club car il préférait renouveler les structures du SNM affiliées au ministère » au lieu de créer un nouveau syndicat autonome (le CMA), tel que l’a expliqué le porte-parole du CMA Merzougui Saad Eddine à TSA, il n’en demeure pas moins que son élection à la tête du SNM peut être annonciatrice d’un véritable changement au sein de cette organisation longtemps décriée par les magistrats eux-mêmes.
Le porte-parole du CMA a « salué » l’élection d’Issad Mebrouk à la tête du Syndicat national des magistrats et s’en réjouit puisqu’il « était membre du Club des magistrats algériens », même s’il « avait un point de vue différent » concernant la marche à suivre. « Nous espérons que sa réussite sera le début de la libération du Syndicat national des magistrats de sa soumission à la tutelle et le début de la correction de sa trajectoire », a déclaré M. Merzougui qui a assuré que le Club des magistrats algériens « continuera à militer jusqu’à obtenir son agrément car il est l’origine et le symbole de la libération (des magistrats) ».
« Un changement en douceur »
« Nous espérons que nos divergences syndicales dans le parcours et la méthode soit une diversité et non une opposition », a conclu le porte-parole du Club des magistrats algérien en création.
À l’issue de l’assemblée générale qui l’a élu à la tête du SNM, M. Issad Mebrouk a pris la parole pour affirmer que « toute la société est dans un mouvement qui veut du changement, que le changement soit total mais en douceur et sans porter atteinte aux structures de l’État ».
« Nous devons préserver l’État en tant que tel et les personnes partiront. Même le changement, nous devons le faire sans vengeance. La justice ne se venge pas, elle n’improvise pas, elle n’est pas sélective, elle est objective et fonctionne selon des procédures », a-t-il poursuivi, affirmant que « la justice ne penchera pour aucune partie dans les luttes d’intérêts ».
« Les pressions que nous (magistrats) avons subies pendant des années se terminent aujourd’hui ! », a lancé à l’assemblée le nouveau président du Syndicat qui annonce clairement la couleur : changement en douceur mais changement quand même dans le corps de la magistrature.
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