ENTRETIEN. Kamel Moula est le DG de Venus (cosmétiques) et président du Club des entrepreneurs et industriels de la Mitidja (Ceimi). Dans cet entretien, il délivre un message aux investisseurs français.
Le président français Emmanuel Macron effectue une visite de travail ce mercredi en Algérie. Il rencontre des startuppeurs algériens. Le numérique est-il l’avenir des relations économiques algéro-françaises ?
L’économie numérique est en cours d’expansion dans notre pays et cela malgré toutes les difficultés que nous connaissons (débit non stabilisé, retard dans le e-paiement …) Aujourd’hui, la société algérienne est une société connectée et de plus en plus de nos jeunes expriment leurs talents via les TIC. Les startups numériques que cela soit dans le marketing digital, le développement web, le webdesign ou le management de projets digitaux ont l’avantage de ne pas demander des équipements lourds et très couteux. La matière première est présente partout en Algérie puisqu’il s’agit de la matière grise. Nous avons donc une marge de progrès extraordinaire. Le Président Macron, qui est féru d’économie digitale, ne s’y trompe pas en voulant rencontrer nos startuppeurs. Il connait l’énorme potentiel qu’ils représentent. Dans le cadre de la coopération algéro-française, nous pouvons trouver très vite des axes de développement. Le Président Macron, en parfait connaisseur du système économique mondialisé, sait que seuls les résultats comptent.
Le gouvernement critique souvent le peu d’engouement des investisseurs français pour le marché algérien. Que doit faire Macron pour développer les investissements français en Algérie ?
Aujourd’hui, le marché algérien est extrêmement porteur même si l’environnement administratif ou l’arsenal législatif sont à améliorer. Les entreprises françaises qui ont investi en Algérie ont pu rentabiliser très vite leurs investissements et généralement leurs chiffres d’affaire ont triplé ou quadruplé en peu de temps. Quand on est entrepreneur au sens propre du terme, on n’attend pas d’avoir les conditions de travail ou un environnement d’affaires les plus confortables pour se lancer. Par essence, le sens de la prise de risque est le fondement de l’entreprenariat et je peux vous assurer que toutes les entreprises françaises qui ont su prendre le risque de venir investir en Algérie ne le regrettent pas.
En tant que président du Ceimi et chef d’entreprise, qu’attendez-vous du président Macron ?
Le Ceimi a des relations étroites avec ses partenaires français depuis un certain nombre d’années. Nous travaillons dans la confiance et pour la concrétisation de projets économiques. Nous sommes d’ailleurs signataires depuis 2015, d’un protocole de coopération avec la mission de coopération industrielle et technologique franco-algérienne. Dans ce cadre, nous avons déjà entamé un travail considérable. Ceci dit, ce que nous pouvons attendre du Président Macron c’est d’aider à avoir une image réaliste des entrepreneurs et des industriels algériens, loin des préjugés et des mauvais clichés.
La France peut-elle aider nos entreprises à exporter vers l’Europe ?
Nos entreprises sont de plus en plus compétitives, beaucoup d’entre-elles répondent à l’ensemble des normes internationales. Elles sont innovantes et performantes. Je ne sais pas si exporter vers l’Europe est une bonne idée. Le marché européen est saturé et le pouvoir d’achat des Européens est en régression. Je pense que dans le cadre de notre coopération, nous devrions plus penser à être dans la co-production pour améliorer nos produits finis en qualité et en quantité et nous tourner ensemble vers le marché africain bien plus important que le marché européen. Aux investisseurs français, je veux surtout dire « parlons notre langage commun », parlons d’économie, parlons de développement, de mondialisation, parlons de parts de marché, de résultats, parlons de relations de confiance entre partenaires économiques. Nous avons des défis de grande ampleur à relever autour de la triple question de la mondialisation, de la nécessaire réindustrialisation de nos deux pays, et de la lutte contre le chômage. La France est la porte d’entrée vers l’Europe, l’Algérie celle vers l’Afrique. Ensemble, nous possédons donc les clefs pour faire face aux nouveaux enjeux et au challenge économique de notre siècle. Nous ne sommes plus à l’ère du demandeur d’un côté de la Méditerranée et du fournisseur de l’autre. La mondialisation des échanges économiques bouscule les règles établies et le marché algérien n’est pas une chasse gardée. Les chefs d’entreprise algériens ont des partenaires dans le monde entier mais ils sont prêts à prendre leur part dans la construction du partenariat gagnant-gagnant entre nos deux pays. Aujourd’hui, nous sommes donc deux demandeurs et deux fournisseurs en même temps. Pour faire face à nos défis communs, nous avons donc besoin l’un de l’autre. De plus, notre diaspora est une richesse commune sur laquelle nous devons nous appuyer ici et là-bas pour être le socle d’un développement prospère pour nos deux pays. Je dois d’ailleurs très prochainement rencontrer la CPME, patronat français des PME/ PMI et c’est ce que je vais leur dire.