Pour Karim Tabbou, coordinateur de l’Union démocratique et sociale – un parti non agréé-, ce qui se passe actuellement au sommet de l’État n’est que manœuvres et jeu politique.
« Il y a une tentative de transformation d’un mouvement populaire avec des revendications claires, dont le départ de tout le système, en mouvement qui soutient un clan. Le peuple ne préfère pas un clan à un autre. Il veut un état de droit. L’immunité du hirak c’est cette conscience, cette présence de la jeunesse qui ne veut pas voir avorter sa révolution », a expliqué M. Tabbou, invité ce dimanche de TSA-direct.
« Peut-être que cette lutte des clans existe, mais d’expérience, on sait que tous ces appareils vont se mettre d’accord quand ils sentiront le danger », ajoute-t-il.
Évoquant la teneur du dernier communiqué du ministère de la Défense, le responsable de l’UDS s’est montré sceptique, y voyant d’abord une fausse lecture de la situation. « Le chef d’état-major a parlé d’une réunion. Pour sa crédibilité, il devait dévoiler les noms des personnes présentes, saisir la justice et le diplomate étranger dont on parle devait être expulsé si sa présence était confirmée. Mais ce qu’il a fait est un acte politique, car l’acte juridique c’était de déposer plainte et prendre des mesures », estime-t-il.
Tabbou exprime également son désaccord quant à l’application de l’article 102, tel que suggéré par le chef de l’armée.
« Je me demande pourquoi cette insistance pour l’application de l’article 102. Il y a d’abord une volonté de gagner du temps car la transition dans ce cas-là durera plus de quatre mois. On veut aussi confier la transition au président du Sénat, ce que le peuple refuse. La rue a demandé le départ de tout le monde. Gaïd-Salah croit encore à la possibilité de gérer la transition par les institutions actuelles », dit Karim Tabou.
« Avant qu’elles soient juridiques, les dispositions doivent être politiques. Ce pouvoir, avec tous ses appareils, doit comprendre que le peuple veut recouvrer sa souveraineté. Il fallait chercher des solutions politiques et non juridiques, car ce sont eux en premier qui ont violé la constitution. Quand il y a la volonté politique, on ne peut pas être prisonnier d’une loi », ajoute-t-il.
Sans proposer de mécanismes clairs ni d’échéancier, Karim Tabbou croit que la solution émanera de la rue. « Il faut dire d’abord aux Algériens, par le biais d’un communiqué officiel, que le président Bouteflika est fini. Il faudra annoncer soit sa démission ou sa destitution », suggère-t-il comme début au dénouement de la crise. Pour la suite, M. Tabbou fait confiance au génie du peuple.
« Le peuple pourra gérer la transition. Dans le peuple, il y a des élites et des compétences. On peut élire une instance présidentielle, on peut désigner dix, vingt ou même mille représentants. Ces élites jeunes et cultivées peuvent réfléchir et élire 3 ou 4 éléments qui constitueront l’instance présidentielle. Cette instance sera surveillée par le peuple. Après son installation, elle aura les prérogatives du président, c’est elle qui prendra les dispositions pour le départ du système. Ensuite il y aura la mise en place d’une instance électorale. Le système nous a habitués à la fraude, l’opération électorale est compliquée. On peut aller même vers un vote électronique, ce n’est pas impossible », propose-t-il, ajoutant que « le peuple a déjà écrit sa constitution à travers les pancartes brandies lors des manifestations ».
Interrogé sur les informations faisant état de l’arrestation de certaines figures du système, comme Ali Haddad, Karim Tabbou répond que les comptes ne peuvent être demandés que dans le cadre d’un État de droit.
« Dans un État de droit, tout sera dévoilé. On a parlé de généraux arrêtés pour des faits de corruption, mais ils ont été libérés aussitôt. Le pouvoir veut redorer sa façade sans un aller vers un véritable État de droit. Ni X ni Y ne doivent faire des règlements de compte. Nous ne voulons pas que ce mouvement soit un moyen de régler des comptes à l’intérieur de la coupole », conclut-il.