Les responsables de la gymnastique française doivent se mordre les doigts après la médaille d’or offerte à l’Algérie par Kaylia Nemour en coupe du monde de la discipline, samedi 24 février à Cottbus en Allemagne.

La jeune gymnaste de 17 ans a été formée en France mais elle a fini par choisir de défendre les couleurs du pays de ses origines, l’Algérie, à la suite d’un conflit avec la Fédération française de gymnastique.

La montée en puissance de la jeune athlète depuis plusieurs mois, ponctuée par une médaille d’or en coupe du monde, ne laisse guère de doute : Kaylia Nemour est bien partie pour monter sur le podium, voire sur la plus haute marche, lors des Jeux olympiques de Paris 2024 l’été prochain.

Les médailles olympiques ne se ramassant pas à la pelle, la perte d’un tel espoir de médaille suscite de vifs regrets dans l’Hexagone où l’on estime que ce sont les couleurs de la France que la championne aurait dû défendre.

Kaylia Nemour est en effet née en France et elle y a été formée au club d’Avoine-Beaumont. Beaucoup d’athlètes de haut niveau de différentes disciplines font le choix, du cœur ou par défaut, d’opter pour une autre nationalité sportive pour laquelle ils sont éligibles.

Beaucoup de footballeurs notamment défendent ou ont défendu les couleurs de leurs pays d’origine. L’Algérie est l’un des plus grands bénéficiaires du changement de nationalité sportive facilité par la loi Bahamas de 2009.

Le nombre grandissant de joueurs de qualité qui jouent pour d’autres nations a amené la Fédération française de football à envisager d’imposer des quotas de « vrais français » dans les centres de formation. Le scandale a éclaté en 2011 et le projet a fini par être abandonné. Du reste, la situation n’était pas inquiétante outre mesure puisque la France parvenait à garder les meilleurs athlètes.

Zinedine Zidane et Kylian Mbappe, pour ne citer que ces deux méga-stars, ont porté le maillot bleu et non celui de leurs pays d’origine respectifs, l’Algérie et le Cameroun ou l’Algérie puisque le second est de père camerounais et de mère algérienne. Ils ont de plus offert chacun une coupe du monde à la France. Ceux qui optent pour d’autres nations n’ont pas généralement ce niveau.

Avec Kaylia Nemour, les choses sont nettement différentes. On parle de sacre mondial et d’une probable médaille d’or olympique. Ce n’est pas toutes les années que la France forme et perd un talent d’un tel niveau dans une discipline comme la gymnastique.

D’où les regrets exprimés après son succès sous la bannière de l’Algérie. L’issue de l’histoire est d’autant regrettable pour les responsables du sport français s’ils ne sont pas exempts de tout reproche dans la décision prise par l’athlète.

Kaylia Nemour offre une médaille d’or pour l’Algérie : le temps des regrets en France

La jeune Kaylia était championne de France en catégories jeunes et médaillée d’or aux championnats méditerranéens juniors. À la suite d’une blessure et d’une opération aux genoux en 2021, les médecins de la Fédération française lui ont interdit de reprendre l’entraînement.

« C’est pour sa santé », s’est justifiée la Fédération française de gymnastique en octobre dernier après la médaille d’argent ramenée pour l’Algérie par la gymnaste formée en France aux championnats du monde d’Anvers (Belgique).

La décision du staff médical de la Fédération française avait donné lieu à un bras de fer avec le club d’Avoine-Beaumont qui estimait que l’arrêt des entraînements mettait en péril la carrière de l’athlète, qui n’avait alors que 14 ans.

La famille de la gymnaste était du même avis. La solution trouvée était d’opter pour la nationalité sportive algérienne, mais la Fédération française n’a pas facilité les choses. S’ensuivit un long combat de Kaylia pour pouvoir porter les couleurs de l’Algérie.

Une pétition lancée par les milieux sportifs avait récolté des milliers de signatures. Le problème a fini par être réglé dans le bureau de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castera, en 2023 après l’éclatement d’un scandale sur des maltraitances de jeunes gymnastes.

Sous les couleurs de l’Algérie, Kaylia Nemour enchaîne les performances. « Puisqu’elle s’est toujours entraînée en France et qu’elle a toujours vécu ici, j’aurais préféré qu’elle soit avec nous en équipe de France, mais ce n’est pas le cas », regrettait le président de la Fédération française James Blateau en octobre dernier dans des déclarations à l’AFP. C’était juste avant les championnats du monde qui verront la Franco-Algérienne arracher une médaille d’argent pour l’Algérie.

« Chacun assumera », avait-il dit à Ouest-France à propos de l’affaire de l’interdiction faite à l’athlète de s’entraîner qui a débouché sur sa décision d’opter pour les couleurs de l’Algérie.

Après sa médaille d’or à Cottbus, de nombreux titres de la presse française ont exprimé les mêmes regrets pour les Jeux olympiques de Paris. « Au vu de ses performances, c’est une potentielle chance de médaille qui s’évapore pour la France », écrit la Dépêche du Midi à Toulouse.

« Une occasion de médaille en moins pour la France », estime pour sa part RMC Sport alors le site France Bleu n’a fait aucune référence à l’Algérie dans l’article qu’il a consacré au sacre de Kaylia Nemour en Allemagne.

En Algérie, une avalanche de félicitations a suivi la victoire de la gymnaste franco-algérienne en Allemagne. Le président de la République Abdelmadjid Tebboune l’a félicitée ainsi que l’ambassade d’Algérie en France.