La ville de Kherrata, dans la wilaya de Béjaïa, s’apprête à célébrer ce dimanche 16 février l’anniversaire de la première grande marche qui a donné le coup d’envoi de la révolution du 22 février.
Il y a quelques jours une stèle commémorative, réalisée par les jeunes de la région, a été inaugurée.
Les avis divergent sur la ville qui a vu le lancement du mouvement, mais la marche du samedi 16 février 2019 est reconnue comme la première grande manifestation populaire contre le cinquième mandat de Bouteflika.
Des milliers de citoyens y avaient pris part. Elle ne fut cependant pas celle qui a brisé le mur de la peur après plus d’une décennie de démission des citoyens de l’espace public.
Deux mois plutôt, le 11 décembre 2018, des milliers de personnes avaient marché au chef-lieu de la wilaya de Béjaïa pour réclamer le déblocage des projets du groupe économique privé Cevital.
D’autres actions similaires avaient eu lieu tout au long de l’année 2018, mais celle du 11 décembre avait vu les travailleurs du groupe agroalimentaire rejoints par des citoyens venus des autres régions du pays. Ce jour-là, les Algériens avaient renoué avec les actions pacifiques de grande ampleur.
Contre le cinquième mandat du président déchu, tout a commencé avec le fameux meeting de la Coupole, le 9 février, lorsque toutes les figures du système s’étaient bousculées autour du cadre du président, présenté par le FLN comme son candidat à la présidentielle du 18 avril.
C’était la provocation de trop. Le 11, les partis de l’Alliance présidentielle ont annoncé officiellement leur soutien à la candidature de Bouteflika pour un cinquième mandat.
Le lendemain, à Chlef, des jeunes ont improvisé une contestation aux cris de « Bouteflika ya lmaroki, makanch Ouhda khamsa », « pas de cinquième mandat pour Bouteflika le Marocain ».
Un slogan repris par d’autres petits groupes de jeunes à Oran, puis, le 13 février à Bordj Bou Arréridj lors d’une action initiée par Brahim Laâlami, activiste du hirak aujourd’hui emprisonné.
À Khenchela, le 19 février, des citoyens se sont rassemblés devant le siège de l’APC pour réserver un accueil chaleureux à Rachid Nekkaz (lui aussi aujourd’hui en prison), venu collecter les parrainages en vue de sa candidature à l’élection.
Les jeunes comptaient ainsi défier le maire de la ville qui, dans le pur style zélé qu’on connaissait aux responsables sous Bouteflika, avait menacé quiconque viendrait donner sa signature à Nekkaz.
Au passage, les partisans de ce dernier ont arraché et piétiné le portrait géant du président qui couvrait la façade de la mairie. Une première en vingt ans de règne de Bouteflika. La chute de ce dernier était dès lors inexorable.
La marche historique de Kherrata se distingue de toutes ces actions, d’abord par son ampleur, puis par son organisation et la clarté des mots d’ordre, portant principalement sur le rejet du cinquième mandat.
La symbolique historique que représente cette ville située aux frontières de Béjaïa et Sétif, une ville dont le nom est lié dans l’imaginaire collectif aux massacres du 8 mai 1945, constituait un coup dur pour le président et ses soutiens.
Suite au succès de la marche, beaucoup n’avaient plus de doute que les appels à manifester à Alger allaient être suivis. Et c’est ce qui s’est passé.
Le 22 février, des centaines de milliers de citoyens sont sortis dans la capitale et dans de nombreuses autres villes du pays, réitérant les slogans scandés moins d’une semaine plutôt à Kherrata.
La ville, connue aussi pour ses gorges et sa route taillée dans la montagne, se distinguera aussi tout au long de l’année en organisant une marche hebdomadaire chaque samedi, comme la toute première.
Pour ce samedi 16 février 2020, une autre manifestation historique est annoncée, pour célébrer le premier anniversaire du hirak sur les lieux même de sa naissance et ouvrir la voie, comme il y a une année, au succès des manifestations commémoratives prévues dans une semaine partout à travers le pays.