L’Algérie tente de freiner avec les moyens dont elle dispose la propagation de l’épidémie du coronavirus. Les autorités et la société ont mis le paquet, des sommes colossales sont débloquées, les services de santé et de sécurité mobilisés, des campagnes de sensibilisation menées.
Mais cet élan national collectif est confronté à des entraves multiples. Beaucoup avaient exprimé dès le début des appréhensions concernant la faiblesse du système de santé national, souvent débordé même en situation normale, la capacité de l’Etat à faire face aux dépenses inhérentes dans un contexte de crise économique, ou encore la disposition des citoyens à se conformer rigoureusement aux consignes de prévention.
A mesure que progresse l’épidémie, on se rend compte que ces craintes ne sont pas totalement infondées. Bien plus, on constate que le coronavirus dispose en Algérie d’un autre allié susceptible de saper les efforts des autorités et de la société : la bureaucratie.
On a toujours dit que les réflexes bureaucratiques avaient la peau dure et certaines administrations et entreprises -pas toutes heureusement- prouvent chaque jour que cette triste réputation n’est point usurpée ni exagérée.
En ce début de semaine coïncidant avec l’entrée en vigueur des mesures de prévention décidées par les plus hautes autorités et la réduction drastique de la mobilité et de l’activité dans plusieurs secteurs, et au moment où se multiplient les annonces de facilitations adaptées à la conjoncture et les appels au confinement, le ministère du Travail s’est distingué par une décision paradoxale, destinée a priori à contribuer à l’effort de réduire la mobilité mais qui, dans le fond, contraint une catégorie de la population au déplacement alors que des alternatives simples existent.
Dans un communiqué, le ministère a informé les employeurs qu’ils « pourront déposer leurs chèques ou avis de versement des cotisations de la sécurité sociale au niveau de chaque structure relevant de la Caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés (CNAS), que ce soit un centre de paiement ou un service de recouvrement ».
Tout en précisant que cela entrait « dans le cadre d’une série de mesures et de facilitations prises en vue de lutter contre la propagation du nouveau Coronavirus ».
Il va de soi que le plus sensé aurait été d’ajourner le payement des cotisations jusqu’après la fin de cette période d’exception. D’autant que, en temps normal, les retards dans le versement ne sont pas rares et sont sanctionnés d’une simple pénalité. Il n’aurait pas été compliqué pour le ministère ou pour la direction de la CNAS de prononcer l’annulation exceptionnelle des pénalités et de ne pas contraindre les chargés du personnels de faire le déplacement dans des agences, aussi proches soit-elles du lieu où ils se trouvent, et de prendre le risque d’attraper le virus ou de le propager.
L’attitude du ministère du Travail reste incompréhensible. Il aurait pu suivre l’exemple de la Direction générale des impôts (DGI), qui relève du ministère des Finances, qui a annoncé que “le dépôt des déclarations et le paiement des droits et taxes sont reportés exceptionnellement (…) et sans application de pénalités”.
La bureaucratie n’est cependant pas toujours là où on la croit. Un autre exemple nous a été signalé et il traduit la tendance qu’ont certaines entreprises privées à se confiner dans le confort de l’automatisation de la gestion, sans possibilité de s’adapter à la conjoncture exceptionnelle que vit le pays. Des clients d’un opérateur de téléphonie mobile ont reçu, comme ils ont l’habitude d’en recevoir à chaque échéance, des injonctions de régler leurs factures téléphoniques sous peine de coupure de la ligne. Pour régler leurs factures, les clients de cet opérateur doivent se rendre dans des agences et prendre le risque d’être contaminés ou de propager le coronavirus Covid-19.
Là aussi, il aurait été plus sage de temporiser et de ne pas priver les clients de téléphone, par conséquent d’Internet aussi, dans une période de confinement. De telles injonctions sont d’autant plus incompréhensibles que des prestataires publics d’eau, d’électricité (Sonelgaz) et d’autres services comme Algérie Télécom (téléphone fixe) ont annoncé leur décision de surseoir aux coupures pour non-paiement de facture jusqu’à ce que tout cela soit fini.