« Pas moins d’un million » de citoyens chinois musulmans, essentiellement de la province du Xinjiang, auraient été envoyés par les autorités chinoises dans des camps de détention selon des organisations de défense des droits de l’Homme. Depuis plusieurs mois, la Chine est accusée d’avoir arrêté et interné plusieurs centaines de milliers de membres de sa minorité musulmane.
Ce que Pékin a toujours a d’abord nié avant de le reconnaître officiellement, cette semaine. « La Chine reconnaît l’existence de camps de détention pour musulmans », titre, ce samedi 13 octobre, le journal Libération.
« Durant des mois, Pékin a nié avec force l’existence des camps secrets de détention de musulmans au Xinjiang, malgré l’accumulation de preuves récoltées par des ONG et des médias étrangers. Mais cette semaine, le parti communiste chinois a brusquement changé de discours et tenté de justifier l’enfermement d’environ un million de citoyens, majoritairement issus de l’ethnie ouïghoure, en proposant des amendements à la loi «anti-extrémisme», écrit le journal français.
Une répression sans précédent
Entassés dans des cellules, les prisonniers musulmans sont soumis aux mauvais traitements (tel que le sommeil à tour de rôle) et à des punitions corporelles. Ils doivent aussi intégrer l’idéologie du régime qu’ils doivent apprendre et réciter, au risque de voir leur détention prolongée s’ils échouent aux examens dans ces camps.
«On se lève à 5 heures pour assister au lever de drapeau dans la cellule et entonner l’hymne chinois. Puis, à genoux, sur le sol en béton, on chante des slogans ou des poèmes à la gloire du parti. Ceux qui ne font pas assez de progrès ou se montrent trop fervents dans leur foi sont punis.» selon les témoignages qu’avait recueillis Libération, dans son édition du 29 août 2018.
La région de Xinjiang a été transformée «en ce qui se ressemble à un camp d’internement géant», avait dénoncé le 10 août Gay McDougall, la vice-présidente du comité des Nations-Unies pour l’élimination de la haine raciale.
« D’après les témoignages recueillis par les ONG et par la presse, les détenus subissent un terrible lavage de cerveau. Le but est de les obliger à renoncer à leur identité religieuse, en les forçant à chanter les louanges du Parti Communiste Chinois (PCC) et dénigrer leur propre culture », explique Le Figaro du 11 octobre.
L’ONG Human Rights Watch (HRW) parle de «violations des droits de l’homme au Xinjiang à une échelle jamais vue dans le pays depuis des décennies». De même, « dans un rapport du Congrès américain sur les droits de l’Homme en Chine, des élus républicains et démocrates affirment que les autorités chinoises mènent une «répression sans précédent» contre la minorité musulmane ouïghoure, qui pourrait constituer «un crime contre l’humanité», rapporte Le Figaro.
Le prétexte de la lutte anti-terroriste
Pour justifier ces exactions contre ses citoyens de confession musulmane, Pékin brandit la menace terroriste et extrémiste. Le Parti Communiste Chinois cherche à donner aux camps de détention un cadre légal, en les nommant «centres de formation professionnelle» pour «éduquer et transformer» les personnes influencées par une idéologie extrémiste et leur offrir des «opportunités d’emploi». « C’est la première fois que ces «centres» sont évoqués dans cette législation anti-extrémisme, lancée l’an dernier », explique Le Figaro.
« Toute marque de conviction religieuse, de respect de la tradition locale ou de liens avec l’étranger peut être considérée comme signe de «radicalisation» ou de «sympathie terroriste» », souligne Libération.
Pour ne pas être cataloguées comme « extrémistes » et se retrouver à leur tour emmenées de force dans ces camps, les familles musulmanes et les épouses de détenus doivent « sourire, boire de la bière et manger du cochon » lors des contrôles à domicile menés par les autorités. Le port de foulard ou d’une barbe « longue » a été interdit par le gouvernement en 2017 et constitue un signe suffisant pour se retrouver en camp de détention.
De même, aller en pèlerinage à la Mecque « de façon indépendante et sans autorisation officielle », constitue un motif de répression pour le régime de Pékin, explique le site OrientXXI.info dans un article intitulé « Chine – La répression de l’Islam menace-t-elle ses relations avec les pays musulmans ? ».
Une campagne anti-halal
Après l’interdiction du port du voile et les barbes « longues », les autorités locales veulent maintenant mettre fin à la nourriture Halal. Elles ont engagé une campagne contre la nourriture halal dans la principale ville du Xinjiang. Les dirigeants du Parti communiste chinois (PCC) à Urumqi, la capitale régionale, ont entraîné les fonctionnaires municipaux dans une prestation de serment visant à combattre «jusqu’au bout la mode du halal», selon un article publié par la ville sur les réseaux sociaux, rapporte l’AFP.
Les cadres du parti communiste ont reçu l’ordre de reproduire sur leurs comptes personnels le même serment, qui rejette toute croyance religieuse et combat la nourriture conforme aux instructions de la religion musulmane.
Le Global Times, quotidien anglophone chinois, affirme que la mode du « tout-halal » a eu tendance à effacer la frontière entre la religion et la vie civile et à favoriser l’enlisement, dans l’extrémisme religieux.
Un nom jugé trop arabe
La campagne des autorités chinoises contre la communauté et tout ce qui pourrait symboliser l’islam dans le pays va au-delà du seul aspect religieux. Fin septembre, la Chine a modifié le nom d’une rivière, à consonance par trop arabe, pour lui donner un nom bien chinois.
L’Aiyi, un affluent du fleuve Jaune long de 180 km, arrose le Ningxia (nord), une région autonome peuplée à plus d’un tiers de musulmans, souligne l’AFP.
En pleine campagne de « sinisation » des religions, le gouvernement régional a décidé que le cours d’eau s’appellerait désormais « Diannong », a annoncé le Bureau régional des affaires civiles.
Selon le quotidien national Global Times, la décision frappe « un nom à consonance arabe pour le remplacer par un nom chinois afin de renforcer la culture chinoise traditionnelle ».